Commentaire comparé
Terre des Hommes - Le Petit Prince
Antoine de Saint-Exupéry
Le récit autobiographique Terre des Hommes paru en 1939 et le conte poétique pour
enfants Le Petit Prince
paru, lui, en 1943 sont deux œuvres majeures de l’écrivain et aviateur Antoine
de Saint-Exupéry. Dans chacune d’elles, malgré leurs genres littéraires
différents, l’auteur traite de l’humanisme et des liens entre l’Homme et la
Terre. On y retrouve en effet plusieurs thèmes communs comme le désert,
l’enfance, l’eau, l’amitié ou encore la notion de responsabilité chez l’Homme.
On montrera de quelle manière Saint-Exupéry expose ces idées dans les deux œuvres. D’abord, on démontrera l’attachement de l’auteur à la Terre puis on
examinera la portée humaniste des deux œuvres.
Dans Terre des Hommes comme dans Le Petit Prince, Saint-Exupéry
nous prouve son amour pour la Terre : « La Terre n’est pas une planète
quelconque ! » Mais il y apprécie encore plus le désert. Il se l'approprie
ainsi dans son récit autobiographique avec la phrase emphatique : « Mon
Sahara, mon Sahara, te voilà tout entier... » Le Petit Prince le décrit
tout simplement avec la grande sincérité d’un enfant : « Le désert est beau
»
Le désert est néanmoins un milieu
hostile : « Il n’y a personne dans les déserts » répond le serpent au
Petit Prince. Mais ce lieu de solitude propice aux rêves est réconfortant et
bénéfique pour Saint-Exupéry dans Terre des Hommes. Il le compare à une
maison qui dépose lentement en nous « ses provisions de douceurs » Ce
paradoxe que constitue le désert est décrit par l’aviateur dans Le Petit
Prince avec l’antithèse : « Ça c’est, pour moi, le plus beau et le plus
triste paysage du monde »
Le registre lyrique et poétique est commun aux deux œuvres et est appliqué à
la nature. Saint-Exupéry est ainsi émerveillé par les étoiles. Elles tiennent une
place très importante dans le paysage du désert et dans l’imaginaire du Petit
Prince. Elles sont l’objet de songes. Il les compare à une « fileuse de
laine » en référence à la voie lactée. Elles représentent pour lui le rire
qu’il aime tant chez le Petit Prince qui se trouve sur l’une d’entre elles.
Elles seront pour lui désormais comme « des tas de petits grelots qui savent
rire » L’action se déroulant dans le désert pour les deux récits, l’eau et
la soif sont des motifs d’inquiétude et d’admiration. Saint-Exupéry est à la
recherche de l’eau dans ses deux œuvres : « Ce qui embellit le désert,
c’est qu’il cache un puits quelque part » dit le Petit Prince. On peut
alors comparer ce puits au bédouin qui sauva Saint-Exupéry et son camarade dans
Terre des Hommes en leur
donnant de l’eau alors qu’ils étaient déshydratés depuis plusieurs jours
après un accident d’avion dans le désert libyen. Il fait l’éloge de l’eau dans
un registre didactique et épidictique pour Terre des Hommes : « L’eau,
c’est la vie » et d’une manière plus poétique dans Le Petit Prince :
« L’eau peut aussi être bonne pour le cœur... » Antoine de Saint-Exupéry
exprime dans ses deux œuvres son amour pour la Terre et ses ressources de
manière différente.
Le thème de l’enfance est très présent
dans les œuvres de Saint-Exupéry. Le comportement des enfants le fascine. Il
est enchanté par leur rire et sourire si importants et communicatifs : « Ah
! (...) j’aime entendre ce rire » dit le narrateur au Petit Prince. Ce
sourire qui déclencha en l’esclave Bark, dans Terre des Hommes, le désir
de multiplier sa générosité : « Et [l’enfant] qui souriait. Et cet enfant
réveilla Bark » Ce même sourire, Saint-Exupéry le retrouva auprès des
jeunes filles d’Argentine après qu’il eut réussi l’épreuve de courage qu’elles
lui firent subir à lui, l’aviateur, pourtant déjà si téméraire. L’enfant est
néanmoins distant et quelque peu sauvage. Le Petit Prince dédaigne de répondre
aux questions qu’on lui pose. Les deux jeunes filles sont d’abord froides et
distantes envers leur hôte. Les enfants recevant les cadeaux de Bark « fuyai(ent), sauvages » après les
avoir pris. On peut noter à travers les deux œuvres le rapport indéfectible
entre l’enfant et la nature. Ainsi les deux jeunes filles rencontrées dans Terre des Hommes « régnaient sur tous
les animaux de la création » et leur « racont(aient) des histoires
(...) qu’ils écoutaient » On retrouve ce lien dans Le Petit Prince
qui, lui aussi, parle aux animaux comme le renard ou le serpent.
L’amitié, la fraternité sont des valeurs très importantes pour Saint-Exupéry.
Il nous le prouve dans Terre des Hommes avec la complicité amicale qu’il
tisse avec les jeunes filles ou avec ses camarades pilotes, tout comme l’amour
du Petit Prince pour la Rose et l’amitié pour le Renard qu’il apprivoise.
Cependant, l’Homme doit être responsable. Cette notion de responsabilité est
explicitement employée dans les deux œuvres. Dans Le Petit Prince, le renard
le rappelle comme pour donner une leçon aux hommes : « Les hommes ont oublié
cette vérité, (...) Tu deviens pour toujours responsable de ce que tu as
apprivoisé » Saint-Exupéry insiste sur cette notion dans Terre des
Hommes avec un ton didactique : « Être homme, c’est précisément être
responsable » en faisant référence à son camarade Guillaumet qui a lutté
au-delà du possible pour ne pas renoncer à sa ou ses missions.
Antoine de Saint-Exupéry reprend à travers les deux œuvres les mêmes
valeurs humanistes et son attachement à la Terre. Le registre didactique est
dominant dans Terre des Hommes alors
qu’il est plus lyrique dans Le Petit
Prince, mais ils sont cependant communs aux deux œuvres. Les personnages
principaux apprennent de leurs rencontres, Saint-Exupéry avec Bark ou
Guillaumet et Le Petit Prince, avec le Renard et les habitants des planètes
visitées. Le désert, l’enfance, la Terre et l’avion sont au centre des récits
de cet aventurier au grand cœur. Saint-Exupéry reprend aussi ces idées et ces
thèmes, comme le désert et l’avion, dans Vol de nuit en 1931.
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