Commentaire –Terre
des hommes (1939)
Les camarades partie II, chapitre 2
"Ce que j’ai fait, je
le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait" jusqu’à : "C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à
bâtir le monde".
Antoine
de Saint-Exupéry, auteur du Petit Prince,
grand pilote ayant travaillé aux côtés de Guillaumet et de Mermoz, a publié en
1939 Terre des hommes où il recueille
des souvenirs de sa vie d’aviateur à l’Aéropostale. Le texte étudié se trouve
au chapitre 2, partie II, Les Camarades. Il concerne l’un de ses
acolytes, Guillaumet, qui, en juin 1930, a marché cinq jours et quatre nuits, à
3500 mètres d’altitude près de la Laguna Diamante, perdu dans la Cordillère des
Andes, en plein hiver austral. Son Potez 25 a capoté tandis qu’il tentait de le
poser, pris dans une tempête de neige alors qu’il transportait le courrier de
Santiago du Chili à Mandoza en Argentine. ll fut récupéré par Saint-Exupéry qui
avait sillonné la zone en avion pour le retrouver. On examinera en quoi ce
témoignage sur l’aventure de Guillaumet est une leçon de vie. Après avoir
analysé l’éloge du pilote et de l’homme, on déterminera en quoi ce destin est
une leçon d’humanisme.
L’auteur cherche dans son éloge à son
camarade à faire ressentir au lecteur l’amitié qui le lie à Guillaumet. Tout
d’abord on peut voir que le texte opère une interaction entre les deux
pilotes ; Guillaumet raconte son aventure au style direct et Saint-Exupéry
commente. Guillaumet emploie un discours explicatif se servant d’images comme
« voilà que mon cœur tombe en panne » avec le tutoiement qui marque la
proximité amicale. Le discours direct est aussi présent dans le récit du
narrateur. En effet, l’auteur, en s’adressant rétrospectivement à son camarade :
« je te veillais », « tu t’endormais » emploie lui aussi
le tutoiement, signe de la forte relation qu’il entretient avec Guillaumet. On
peut donc dire qu’il y a là un jeu d’énonciation, une sorte de conversation
familière décalée dans le temps. Guillaumet est décrit comme « démantelé, fripé, brûlé » mais
veillé par son ami qui prend soin de lui
avec beaucoup d’affection.
L’auteur vante les qualités physiques et
morales de Guillaumet. Le corps du pilote perdu est comparé « à un bon outil » ou encore à « un serviteur ». Guillaumet raconte
qu’il a survécu sans avoir mangé et en marchant sans cesse dans un froid
glacial. Les expressions « Privé de
nourriture » et « troisième
jour de marche » l’assimilent à un héros et son aventure devient
épique. Saint-Exupéry fait aussi l’éloge des qualités morales de son ami. Il force
sur le registre épidictique quand il accumule ses qualités de caractère. En
effet il parle de « droiture, sagesse,
responsabilité, modestie ». De plus, les paroles de Guillaumet
montrent aussi sa force de détermination lorsqu’il s’adresse à son cœur :
« Allons un effort ! Tâche de
battre encore ». Enfin, Saint-Exupéry utilise le mot « cœur » à double sens : pour
dire le courage physique de Guillaumet mais aussi ses qualités de cœur, ses
valeurs.
A
travers ce texte, Antoine de Saint-Exupéry rend hommage à Guillaumet de manière
à valoriser sa relation amicale et à mettre en avant les aptitudes tant
physiques que morales de son ami. On retrouvera aussi un message universel
apportant une réflexion sur l’homme.
Le Potez 25 de Guillaumet
Guillaumet joue ici le
rôle de modèle de l’idéal humain: « Sa véritable qualité n’est point là. Sa grandeur c’est de se sentir
responsable. Responsable de lui, du courrier et des camarades qui espèrent […] Responsable un peu du destin des hommes dans
la mesure de son travail ». L’auteur, à travers Guillaumet, met en
avant une qualité très importante, la responsabilité, c’est-à-dire la capacité
à se rendre compte que les actes individuels affectent les autres, que chaque
destin influe sur celui des autres. Saint-Exupéry insiste surtout sur les
valeurs de son ami : « Le
courage de Guillaumet, avant tout, est un effet de sa droiture ». Là
encore le pilote représente un homme fort et rassurant, un être exceptionnel :
« Il fait partie des êtres larges
qui acceptent de couvrir de larges horizons de leur feuillage. Être homme c’est
précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui
ne semblait pas dépendre de soi. C’est être fier d’une victoire que les
camarades ont remportée. C’est sentir en posant sa pierre, que l’on contribue à
bâtir le monde ». Il définit l’homme, comme il devrait être dans un
monde parfait : solidaire des autres et ayant le sens du devoir, et il
l’associe à Guillaumet. L’image de l’arbre représente la stabilité, la force,
la capacité à protéger les autres. La métaphore de la pierre posée montre que
chaque homme doit assumer à son échelle l’élaboration, solide comme une maison
en pierre, du destin collectif de l’humanité, même modestement en remplissant
sa mission, sa tâche quotidienne. C’est l’amour de travail bien fait qui rend
le monde meilleur, plus beau.
L’écrivain veut amener l’idée de
dépassement de soi. Il utilise des phrases emphatiques avec répétition des
présentatifs « c’est » pour insister sur la définition de l’homme idéal en
employant le présent de vérité générale. Il avance aussi l’idée de vaincre ses
peurs pour être plus fort car « seul
l’inconnu épouvante les hommes. Mais pour quiconque l’affronte, il n’est déjà
plus l’inconnu ». On voit donc que le narrateur pousse le lecteur à
affronter les épreuves qui lui paraissent difficiles. Enfin les précisions
suivantes « privé de nourriture […]
troisième jours de marche […] le long
d’une pente verticale […] suspendu au
dessus du vide », […] voilà que mon cœur tombe en panne […]
je ne bouge plus […] j’écoute en moi […] fier de ce
cœur » montrent que dans les
pires situations, il ne faut pas lâcher, il faut continuer, aller jusqu’au bout
sans jamais renoncer. C’est ainsi que l’homme fait mieux que l’animal : « Ce que j’ai fait, je le jure, jamais aucune
bête ne l’aurait fait. »
En utilisant les registres épidictique,
épique et didactique, Antoine de Saint-Exupéry rend hommage à Guillaumet, son
ami, tout en cherchant à enseigner au lecteur des valeurs relevant de l’idéal
humain : responsabilité, solidarité, amitié et courage. Il raconte et commente
le témoignage de son compagnon de manière élogieuse en faisant ressortir
l’esprit que les hommes devraient tous adopter pour que les habitants de la
terre puissent vivre en harmonie et être forts. Au moyen d’images, de jeux
d’énonciation et de formules de réflexion qui s’apparentent à des maximes,
Saint-Exupéry nous fait partager une leçon de vie et d’optimisme dans les
capacités de l’homme. C’est une caractéristique de l’auteur car avec Le Petit prince, il passera du conte de
fée au récit philosophique, avec un personnage attachant, pour faire comprendre
au lecteur que « l’essentiel est
invisible pour les yeux ».
Emma 1ère S6 (novembre
2014)
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