Synthèse
sur le corpus la révolte en chantant
Sans la nommer (La révolution permanente) de Moustaki (1969)
Les événements historiques tragiques
ont inspiré les artistes comme en atteste le corpus étudié. Du XIXe
siècle agité par les insurrections populaires au XXe siècle
traumatisé par les guerres mondiales, les auteurs et les peintres ont témoigné
de la colère et de la souffrance du peuple asservi. Ainsi Delacroix a peint La Liberté guidant le peuple en 1830,
Jean-Baptiste Clément a chanté Le temps des cerises de la Commune de 1871, Victor Hugo s’est inspiré des barricades
de 1832 dans un livre des Misérables et les deux résistants Aragon et Cassou ont évoqué la France occupée de 1940
respectivement dans le poème C et
dans La plaie que, depuis le temps des cerises. On montrera en quoi ces œuvres expriment la révolte et la
nostalgie. D’abord, on s’attachera à la représentation de la lutte et de la
souffrance puis on examinera l’expression du regret et de l’espoir du retour à
la liberté et à la paix.
I) Des œuvres de combat
A) La révolte explicite
- Deux œuvres se rapprochent dans la
représentation explicite de la révolte du peuple face à l’injustice d’un régime
politique : le peuple armé guidé par l’allégorie de la République et de la
Liberté dans le tableau de Delacroix et l’épisode de la mort de Gavroche dans
l’extrait des Misérables. On assiste
à la même situation sur des barricades à Paris, même personnage du gamin
parisien, armé de deux pistolets aux côtés de la Liberté chez le peintre,
chantant et détroussant les morts de leurs cartouches chez Hugo.
- Le registre est tragique dans les
deux cas avec des cadavres au premier plan dans le tableau et la mort héroïque
de Gavroche dans le roman « qu’une
balle, pourtant mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par
atteindre ».
- La présence des armes renforce la
détermination violente des combattants : des sabres et des fusils pour le
peintre, les mots « fusillade,
balle, tireur » pour le romancier. Les mouvements énergiques suggérés
par le tableau et la vivacité de « l’enfant
feu follet » de Hugo montrent l’élan dynamique des combattants.
Le registre est plus réaliste chez
Delacroix et plus pathétique chez Hugo mais dans les deux œuvres se retrouve la
dimension épique de la Liberté en marche et de l’enfant à « la petite grande âme ».
B) La souffrance
implicite
- Dans les trois poèmes-chants, la
souffrance s’exprime par des métaphores. Le texte le plus allusif est Le temps des cerises avec « les peines cruelles », « la plaie ouverte » ou le sang versé
représenté par « les cerises […]
tombant sous la feuille en gouttes de sang ». ». Jean Cassou, en
reprenant les paroles de Clément y ajoute « le pays des toits bleus […]
qui saigne (s) sans cesse ».
- Dans le poème C d’Aragon, c’est l’évocation du « lait glacé » de la défaite, « des larmes mal effacées » ou le souvenir du "chevalier blessé "
- Le lyrisme l’emporte dans les trois
cas, avec des accents élégiaques pour dire les douleurs morales et physiques
des Français vaincus par le despotisme et la violence aveugle.
Ces cinq œuvres expriment à leur
manière combats et défaites associés à la révolte, la souffrance et la mort.
Dans chacune, on retrouve aussi la nostalgie du passé et des idéaux perdus.
II) La nostalgie du
passé et l’aspiration à l’idéal
A) Le recours au passé
- Trois textes évoquent clairement la
nostalgie du temps passé et l’ardeur de ses luttes : Clément dans sa
romance regrette le temps des cerises qui « est bien court » et qu’il « aimer(a) toujours », Cassou lui fait écho en évoquant « la plaie, que depuis le temps des cerises
(il) garde en (son) cœur », Aragon se souvient « d’une chanson des temps passés » et
de l’idéal de l’amour courtois et chevaleresque, en adoptant même la forme du
lai pour son poème. La forme de poème-chant permet l’ancrage dans la mémoire.
- Ce passé est pourtant douloureux qui
est fait de « chagrins d’amour »
pour Clément, de « rose sur la
chaussée » pour Aragon ou de « sanglots rouillés » pour Cassou, comme si la souffrance était
de tous les temps.
- Des images mythologiques surgies de
l’Antiquité exaltent au contraire la grandeur de la France et de ses défenseurs
par l’allégorie de la Marianne de Delacroix drapée dans sa tunique antique et
portant fièrement le bonnet phrygien des esclaves affranchis. Quant à Gavroche,
il est comparé à Antée, un géant mythique.
B) La liberté et la patrie retrouvées
- Tous les artistes aspirent à la
liberté et montrent leur amour pour la patrie meurtrie. Dans les trois
poèmes-chants, l’énonciation personnelle (le « je » et le
« nous ») dit l’attachement à la France, qu’elle soit « l’éternelle fiancée » d’Aragon, « le pays des toits bleus » de Cassou
ou « les belles » de
Clément.
- Delacroix choisit l’allégorie
surdimensionnée de la Liberté en haillons brandissant le drapeau tricolore de
la République et Hugo fait de Gavroche l’icône de la jeunesse et de sa soif de
justice sociale.
- Cependant l’espoir est présent grâce
aux figures tutélaires de Rousseau et Voltaire dans la chanson de
Gavroche, à l’attente de « demain » et du « matin de fête » de Cassou, au
retour du « soleil au cœur »
de Clément et à la traversée des ponts de Cé
d’Aragon vers la délivrance et la résistance.
En utilisant des registres
réalistes, pathétiques, tragiques, lyriques et épiques, les artistes du corpus
ont tous montré le courage des combattants pour la liberté et la souffrance
immense qui résulte de sa perte. Ils ont créé des personnages allégoriques
inoubliables qui soudent la mémoire nationale : Gavroche et la déesse
Liberté déguenillée mais victorieuse. Ils ont évoqué la France éternelle des
chevaliers et des provinces aux toits bleus. Ils ont chanté leur amour de la
patrie : fiancée éternelle et belle du temps des cerises. Enfin, ils
conservent tous l’espoir de retrouver la liberté et les valeurs d’honneur et de
dignité héritées des temps passés. Ces textes proches des chants montrent l’importance
de la musique pour susciter les enthousiasmes, ainsi en est-il de l’hymne
national, du chant des partisans ou de l’internationale.
Voir le commentaire de C d'Aragon
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