Le locus amoenus (lieu agréable)
La fin’amor dans le verger de Déduit :
Dame Oiseuse invitant l’Amant
à entrer dans le verger de
Déduit.
Le jardin de
Déduit,
enluminure, manuscrit sur parchemin in Roman
de la Rose, copié et enluminé par Master of the Prayer books (maître
enlumineur anonyme en Flandre) pour Engelbert II de Nassau, Bruges, fin XVe
siècle,
255
× 190 mm, collect. Harley MS 4425, f. 12 v, British Library, Londres,
Un
des manuscrits de Le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris, XIIIe siècle.
La
première partie du Roman de la Rose fut
écrite en 4058 vers octosyllabiques, par Guillaume de Lorris vers 1230-1235, et
le poème resta inachevé à sa mort. Le roman commence ainsi : « Voici le Roman de la Rose, / Où l’art d’Amour est toute enclose. »
C’est le songe du poète. Un matin de mai, il va se promener dans la campagne ; il se trouve soudain devant le haut mur d'un verger. La porte en est ouverte au jeune homme par Oiseuse (Oisiveté) qui le conduit à un verger. Là, les oiseaux chantent, il y a une douce musique : Déduit (le Plaisir), Liesse, Beauté, Richesse, Courtoisie, et d'autres personnages allégoriques se divertissent, tous richement vêtus.
"Ce Roman qui va commencer :
Ci est le roman de Rose
Où l'art d'Amour est toute enclose.
La matière de ce Roman
Est bonne et neuve assurément;
Mon Dieu! que d'un bon œil le voie
Et que le reçoive avec joie
Celle pour qui je l'entrepris;
C'est celle qui tant a de prix
Et tant est digne d'être aimée,
Qu'elle doit Rose être nommée.
Il est bien de cela cinq ans;
C'était en mai, amoureux temps
Où tout sur la terre s'égaie;
Car on ne voit buisson ni haie
Qui ne se veuille en mai fleurir
Et de jeune feuille couvrir.
Les bois secs tant que l'hiver dure
En mai recouvrent leur verdure."
Voici le Dieu d'Amour, entouré de sa cour : Doux Regard, Simplicité, Franchise, Beau Semblant. Le poète se laisse charmer par cette ambiance et soudain, il tombe en extase devant une rose d'une merveilleuse beauté. Amour lui décoche alors ses flèches. Le poète, devenu l'Amant, n'a plus qu’un désir, celui de cueillir la rose.
Mais les obstacles s’annoncent nombreux :
Jalousie, Papelardise (hypocrisie), Danger, Male-Bouche (médisance). L’Amant ne
termine pas sa quête. Cette première partie est une sorte de synthèse poétique
de la fin'amor, un art d’aimer subtil, inspiré d’Ovide, mais magnifié par la
lyrique courtoise.
Cette
grande enluminure du XVe siècle occupe tout un folio du manuscrit belge qui
comporte 4 grandes miniatures et 88 petites. Elle représente l’entrée du poète
dans le jardin de Déduit qui, au Moyen Age, s’appelait le lieu agréable (locus
amoenus), jardin clos de type monastique
(hortus conclusus) dédié à la Vierge, selon les mots du Cantique des Cantiques, 4,12 :
« Tu
es un jardin fermé, ma sœur, ma fiancée, / Une source fermée, une fontaine
scellée. ».