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dimanche 27 novembre 2022

Dissertation sur le roman autobiographique

 

L’autobiographie : une célébration de l’ego ?



 

Dissertation rédigée


Dissertation

 

Sujet : Le roman autobiographique n’est qu’une célébration de l’ego.

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Le roman autobiographique est un genre littéraire qui a mis beaucoup de temps à se définir et à s’imposer. Même s’il existe de nombreuses œuvres anciennes s’apparentant au genre, telles que Les Confessions de Saint Augustin, c’est à la fin XVIIIe siècle qu’est publiée la première véritable autobiographie : Les Confessions de Jean Jacques Rousseau (1782). Le genre se définit comme un récit rétrospectif que l’auteur fait de sa propre existence. C’est donc un « récit de vie » où le narrateur, le personnage et l’auteur ne font qu’un. Cependant, l’auteur ne cherche pas toujours à retranscrire la stricte vérité et la fiction est parfois bien présente. Nous pouvons donc nous demander si celui-ci a uniquement pour but de flatter son ego à travers l’écriture d’un roman autobiographique ou s’il a des aspirations autres qu’un pur besoin narcissique. En premier lieu, nous examinerons ce qui ressemble à une satisfaction personnelle puis les éléments qui présentent d’autres aspects du roman.

 

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Pour un auteur, l’écriture d’un roman autobiographique est une satisfaction évidente : en effet, la publication du récit de sa vie est un bon moyen de laisser une trace écrite permanente de son existence. Ainsi, Romain Gary nous fait part de sa jeunesse difficile et de sa participation active à La Seconde Guerre Mondiale dans La Promesse de L’Aube, paru en 1960. Retranscrire sa fierté d’avoir obtenu le grade de capitaine est très glorifiant pour lui-même. Pour de nombreux auteurs, leur passé est une fierté qu’ils expriment dans l’écriture.

D’autre part, les héros de ces romans sont les représentations à l’identique de leurs auteurs : ils portent les mêmes valeurs et idéaux qu’eux, et ont en commun parfois jusqu’à la ressemblance physique. Ils sont donc à la fois un moyen pour l’auteur de s’exprimer mais aussi de se montrer, de célébrer son image. Bardamu est l’alter ego de Louis-Ferdinand Céline dans Voyage au Bout de la Nuit : tous deux ont connu la guerre des tranchées, ont le même prénom Ferdinand et un fort tempérament (leur seule différence est leur opinion politique opposée). On retrouve également Rastignac, l’alter ego de Balzac dans Le Père Goriot. L’alter ego est un moyen de célébrer l’ego de l’auteur l’ayant créé.

Ecrire un roman autobiographique traduit également le besoin de combler une faille narcissique pour l’auteur qui souhaite être reconnu. Ce dernier effectue une sorte de thérapie sur lui-même, prend du recul et réfléchit sur sa propre personne et éprouve également le besoin de se connaître. Socrate disait : Connais-toi toi-même au Ve siècle avant J-C. Hervé Bazin fait le récit de son enfance difficile, qu’il a très mal vécue avec sa mère Folcoche dans Vipère au poing, paru en 1948. Le traumatisme vécu est l’élément déclencheur de l’écriture : « Où peut-on être mieux qu’au sein d’une famille ? Partout ailleurs ! » dit Hervé Bazin. Cette réflexion sur soi est une réflexion rendue publique : on peut parler d’une mise en avant personnelle, donc d’un grossissement de l’ego. Enfin, le roman est le plus souvent rédigé à la première personne du singulier : le narrateur crée un lien fort avec le lecteur, qui vit l’histoire à travers ses yeux. L’auteur fait passer ses idées et ses valeurs au premier plan, il se met donc en avant.

 




Vénus à son miroir de Diego Vélasquez (1648) National Gallery Londres

 

Malgré cela, les romans autobiographiques sont nombreux et abordent donc de nombreux thèmes : leurs sujets ne concernent pas uniquement la personnalité de leurs auteurs. Ils sont l’objet d’un réflexion de ceux-ci sur eux-mêmes mais peuvent avoir une visée universelle et contiennent également une réflexion sur les autres ou la société. Ainsi, Jean-Jacques Rousseau entreprend une réflexion philosophique sur la nature de l’homme et l’esprit humain dans Les Rêveries du promeneur solitaire (en 1782), où il présente une vision philosophique du bonheur : « Je sais et je sens que faire du bien est le plus vrai bonheur que le cœur humain puisse trouver ». Le roman autobiographique n’est donc pas tourné uniquement vers son propre auteur, mais aborde aussi des thèmes beaucoup plus larges.

De plus, l’auteur laisse dans son roman un témoignage, où il dépeint avec précision la société de son époque, et nous apporte de nombreux renseignements dans la description de sa vie quotidienne : ces romans sont donc parfois de véritables documentaires. C’est le cas de La Place (1983), dans lequel Annie Ernaux nous plonge dans la vie quotidienne des classes populaires puis moyennes pendant le XXe siècle, ainsi que l’élévation du niveau de vie. Elle écrit d’une « écriture plate » et reste effacée : « Ecrire, c’est d’abord ne pas être vu ».  Le Journal d’Anne Franck (1947) est également un témoignage très prenant de la vie des Juifs cachés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Dans ces romans, l’auteur reste discret, et met l’accent sur des détails de sa société plutôt que sur sa propre personne. Le roman autobiographique est aussi un moyen d’expression, qui permet à l’auteur de faire valoir une vision critique de sa société et de donner son avis sur des thèmes, sujets aux polémiques. Il a parfois une visée morale, comme Adolphe (1816) de Benjamin Constant, qui traite de thèmes tels que la fatalité, la responsabilité en matière amoureuse : «  Le cœur seul peut plaider sa cause », et qui critique la vie mondaine.

Le roman autobiographique est un genre récent, et il a donné naissance à un sous-genre nouveau et moderne : le roman d’autofictionoù l’auteur mêle réalité et fictionPour Stéphanie Michineau (XXIe siècle) : « L’écrivain se montre sous son nom propre dans un mélange savamment orchestré de fiction et de réalité ».  Le roman fiction permet donc de se détacher de la vie de l’auteur, strictement basée sur la réalité, et qui n’occupe plus le thème central de l’œuvre. Tristan Vaquette s’improvise héros de la résistance française pendant l’occupation nazie dans Je gagne toujours à la fin (2003) et développe les thèmes de l’intégrité intellectuelle et la liberté d’expression. L’autofiction est alors une occasion pour l’auteur de se projeter dans un personnage qu’il a créé, mais différent de son alter ego. Le roman  d’autofiction met donc une distance entre l’ego de l’auteur et les sujets abordés dans son roman : l’auteur ne s’y représente pas. L’autofiction est également un bon moyen pour l’auteur de surmonter des difficultés de mémoire. En effet, une mémoire très précise est nécessaire pour retranscrire toute une vie. Franklin Jones dit, au début du XXe siècle :  « Une autobiographie révèle généralement que tout va très bien chez son auteur, sauf la mémoire ». Dans W ou le souvenir d’enfance, Georges Pérec mêle sa vraie vie et une sorte de fiction utopique pour combler ses troubles de la mémoire.

Enfin, dans certains cas, publier un roman autobiographique ne fait pas l’objet pour certains auteurs d’une satisfaction personnelle mais est au contraire une façon de se confesser, de justifier ses erreurs commises dans l’espoir de se les faire pardonner. Les Confessions sont une sorte de rédemption pour Jean-Jacques Rousseau qui désire se faire absoudre de ses péchés.

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Pour conclure, l’écriture d’un roman autobiographique semble être pour de nombreux auteurs une façon de célébrer leur ego, à travers leurs personnages jouant le rôle d’alter ego. Malgré tout, cette mise en avant est légitime : décrire sa réussite et la rendre publique est une chose glorifiante : qui n’en serait pas fier ? C’est également instructif pour le lecteur, qui peut s’en inspirer et même s’identifier. De plus, de nombreux éléments montrent que le roman autobiographique aborde de nombreux autres thèmes que l’unique « récit de vie ». Parfois, grâce à sa précision documentaire, le roman autobiographique est un vrai témoignage que laisse l’auteur sur la société dans laquelle il a vécu, et gagne ainsi un intérêt historique. De plus, les romans autofictions, de plus en plus nombreux ces dernières années, remettent en question la véracité de l’autobiographie : « L’autobiographie qui paraît au premier abord le plus sincère de tous les genres, en est peut-être le plus faux » dit Flaubert. Cette incertitude des limites entre réel et fiction remet une fois de plus l’auteur lui-même au second plan. On peut donc dire que même si le roman autobiographique porte souvent sur la vie de l’auteur lui-même, ce n’en est pas forcément le thème principal, et il traite de multiples sujets. Le roman autobiographique n’est donc pas qu’une célébration de l’ego. On ne peut pas en dire autant de certaines autobiographies, à la recherche de la plus formelle vérité, comme Ma Vie (1929), où Léon Trotsky narre avec exhaustivité sa vie politique.

 

Odile 1ière S2 (décembre 2010)