Juin
1933 à Berlin, au Consulat américain un homme est recueilli dans un état de
santé alarmant, écorché vif sur une majeure partie de son corps. Du cou aux
talons, il n'est plus qu'une masse de chair sanguinolente à vif. Messersmith,
un agent consulaire va lui délivrer un nouveau passeport américain et il pourra
s'enfuir aux Etats-Unis avec sa femme. Ces marques de violence étaient l'œuvre
des SA (sections d'assaut) qui
commençaient à semer la terreur dans les villes et à Berlin notamment.
En juin 1933, Théodore Roosevelt,
Président des Etats-Unis, demande à William Dodd, directeur du département
d'histoire à l'université de Chicago, s'il accepte d'être le nouvel Ambassadeur
américain à Berlin. William Dodd n'est pas un diplomate mais un historien,
germanophone et germanophile. Il a fait une partie de ses études à Leipzig. Il
accepte le poste et part accompagné de sa femme
et leurs deux enfants : sa
fille a 24 ans et William-Junior surnommé Bill a 28 ans. W. Dodd est un homme
modeste et entend le rester. Il écrit une œuvre de longue haleine qui
l'occupera jusqu'à la fin de sa vie : « Le vieux Sud. »
Lorsque William Dodd arrive à
Berlin, Adolphe Hitler est chancelier. Le pays vit sous une vague de violence
des SA qui se déchaînent sur les communistes, les Américains, les juifs, les
socialistes en les rouant de coups, les tuant, en toute impunité. W. Dodd ne peut croire à une telle réalité et
pourtant il lui faut bien l'admettre car il la vit au quotidien et la constate
de visu. Les dires de son prédécesseur n'étaient que triste réalité. Il assiste impuissant aux
événements qui se passent dans sa ville, proteste avec véhémence autant qu'il
le peut pour protéger les citoyens américain juifs des mesures de
rétorsion : privation du droit d'exercer leur travail, atteinte à leurs
droits civiques. Certains sont victimes d'agressions physiques. W. Dodd ne
composera jamais avec le régime nazi, refusera toujours d'apparaître dans les
grandes réceptions du Parti national-socialiste. Mais il assistera impuissant à
la montée de la violence destructrice de ce parti et de la fureur d'Hitler
quand les SA voudront se dresser face à lui pour son accession au pouvoir, le
30 juin 1934. C'est « la Nuit de Cristal », Hitler fait arrêter Röhm
à l'hôtel Hanselbauer.
A plusieurs reprises W.Dodd tente
d'alerter les E. Unis sur la nature du régime de Hitler et l'orientation de son
pouvoir mais on ne le prend pas au sérieux. Pour aggraver les choses, sa fille
Martha s'affiche avec R. Diels, le chef de la Gestapo. Elle collectionne les
amants parmi le corps diplomatique. Elle s'éprend d'un espion russe Boris
Vinogradov et s'affiche ouvertement avec lui les derniers mois où elle reste à
Berlin. Elle ira même jusqu'à faire un voyage de plusieurs semaines en Russie
alors que Boris est retenu à Moscou par ses employeurs. W. Dodd est rappelé fin
décembre 1937, il quitta son poste la mort dans l'âme, navré de n'avoir pas
réussi à alerter suffisamment les autorités américaines sur ce qui se tramait
en Allemagne. Le destin de l'histoire était en marche et un homme de bonne foi
ne pouvait seul s'opposer à la folie meurtrière de celui qui se présentait
comme le sauveur de la nation allemande.
Ce livre n'est pas un roman mais se
lit comme un véritable thriller tant l'angoisse est palpable au fur et à mesure
de la montée de la violence des dirigeants. On a peine à croire que la
population allemande se soit laissé aller à cette violence sans rien dire, sans
protester. Nombreux furent-ils à avoir fait les frais de la montée du nazisme,
les communistes, les socialistes, les juifs, les intellectuels humanistes, les
populations minoritaires indésirables. Mais dans ce monde feutré des
ambassades, rares étaient les diplomates qui osaient dire ouvertement ce qu'ils
pensaient de la situation. Leur immunité consulaire leur permettait cependant
certains privilèges. A son retour aux Etats-Unis, en janvier 1938, William Dodd
déclara : « L'humanité se trouve en grand danger mais on dirait
que les gouvernements démocrates ne savent pas comment agir. S'ils ne font rien,
la civilisation occidentale, les libertés religieuses, privées et économiques
seront en grand danger. » (P. 512)
L'histoire
allait malheureusement lui donner raison quelques années plus tard.