Bonaparte
franchissant le Grand-Saint-Bernard de Jacques-Louis David (1802)
château de Malmaison
Commentaire du
tableau de David
Bonaparte au mont Saint-Bernard
(1802)
Julien Sorel
dans Le Rouge et le
Noir de Stendhal (1830) est un fervent
admirateur de Napoléon Bonaparte, comme toute la génération romantique. Autre
admirateur, le roi d'Espagne Charles IV, commanditaire du tableau
Bonaparte au mont
Saint-Bernard peint par Jacques-Louis
David en 1802. Ce tableau équestre représente le franchissement des Alpes du
général Bonaparte, alors premier consul, et de son armée pendant les
guerres d'Italie contre l'Autriche. On verra en quoi ce grand tableau
(2,5x2,2 m) est une œuvre de propagande à la gloire de celui qui est devenu
l'empereur des Français. Après avoir examiné le cadre hostile et dangereux dans
lequel progressent Bonaparte et son armée, nous nous attacherons à montrer la
mise en valeur d'un chef glorieux, symbole de libération et de
gloire.
- Un cadre hostile et dangereux
A) Un cadre hostile : les Alpes
enneigées
Dans ce grand
tableau, ciel et terre s'affrontent en deux triangles coupés par une diagonale
qui va de gauche à droite. Le ciel est plombé et gris et les montagnes sont
sombres, rocheuses, sans végétation et recouvertes d'un tapis neigeux. C'est
donc un environnement hostile et sans vie.
Le paysage neigeux qui comporte un
risque de dérapage s'ajoute au danger. Le vent qui pousse à l'avant, comme en
atteste l'étole de Bonaparte qui se déploie et la crinière et la queue du cheval
qui sont soulevées, rend plus difficile l'ascension des soldats et de leur
chef.
B) Ascension périlleuse
Le cheval est
sur la diagonale du tableau, en parallèle des crêtes des montagnes (diagonale
ascendante). Le cheval cabré, au bord du gouffre, rend la montée périlleuse et
risque la chute. Son œil est effrayé, malgré sa force
musculaire.
Le cheval est fougueux alors que
le cavalier est calme. Les rênes sont lâches, Bonaparte n'appuie que la pointe
de son pied sur l'étrier. Mais son corps, en diagonale opposée à la diagonale
ascendante, contrebalance les forces et rétablit l'équilibre menacé par sa
posture peu réaliste .
On note aussi la progression
difficile au deuxième plan des soldats, penchés en avant, avec le matériel lourd
d'artillerie.
Ce tableau représente une ascension
audacieuse d'une armée dans un décor et un climat hostile et froid : difficulté
pour avancer pour les soldats et pour leur chef, au bord du déséquilibre, mais
dans une posture de gloire.
- Un chef glorieux symbole de la République : une vision épique
A) Des soldats guidés et
protégés
Une colonne de
soldats au second plan est sous la protection du cheval et de
Bonaparte.
Les uniformes bleus et le matériel
d'artillerie connotent une scène de guerre, c'est donc un tableau héroïque et
épique : la légende de l'épopée napoléonienne est en marche
!
Cependant, il y a volonté
d'humaniser la colonne militaire, montrée à mi-corps et dans un uniforme
similaire à celui de son chef.
B) Bonaparte : un symbole d’héroïsme et de
libération
Il s'inscrit
dans la lignée des conquérants car les noms de Bonaparte, d'Hannibal et de
Charlemagne sont gravés sur une pierre au premier plan, en bas, à
gauche.
Bonaparte est l'allégorie du guide
et du héros que la légère contre-plongée grandit et magnifie. Les couleurs
chaudes sont concentrées sur lui, ainsi que la lumière qui l'illumine, tout
comme la robe blanche symbolique de son cheval. La main droite nue du cavalier
est pointée vers le ciel, c'est la direction vers la montagne et vers « la route
de la victoire ». Le visage juvénile, signe de vie et d'espérance, est tourné
vers les spectateurs, comme pour les prendre à témoin et leur montrer son
assurance et sa détermination.
Enfin, la cocarde tricolore sur
son bicorne, son uniforme de parade de général en chef des armées et le drapeau
qui flotte à droite, en bas du tableau, en font l'incarnation de la République
qui sera sauvée grâce à sa bravoure et à ses qualités de stratège et de
chef.
Il s'agit donc
bien d'un tableau de propagande qui sera ensuite reproduit en quatre autres
versions très proches, à la demande de Bonaparte. Dans cette œuvre picturale
néoclassique, Bonaparte bravant les éléments, domptant un cheval fougueux,
protégeant et guidant son armée en digne héritier des héros de l'Antiquité et du
Moyen-Age, c'est le nouvel Hannibal, le nouveau Charlemagne, c'est un héros
épique. L'empereur qu'il est devenu doit sa légitimité et sa gloire à sa
bravoure, à son titre de sauveur de la patrie. Dans l'iconographie et
l'imaginaire collectif français, Napoléon occupe le terrain jusqu'en 1940, où De
Gaulle va prendre la relève.
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Voici comment Bonaparte a réellement franchi les Alpes
ou comment on démonte un mythe !
Bonaparte
franchissant les Alpes de Paul Delaroche (1850) Walker Art Gallery
Liverpool
Cours de Céline Roumégoux
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