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mardi 8 décembre 2020

Candide de Voltaire : dissertation sur critiques et propositions de société

 

 

Synthèse de Candide



 Le XVIIIe siècle est un siècle de contestation sociale, politique, morale et religieuse dont l’Encyclopédie est le symbole. Mais parmi tous les genres littéraires repris par les philosophes, comme le roman, l’essai, il en est un qui se distingue, c’est le conte philosophique inventé par Voltaire. Son chef-d’œuvre est Candide publié sans nom d’auteur en 1759 à Genève. Le héros, Candide, est un jeune homme naïf à qui son précepteur, Pangloss, inculque une théorie très simpliste sur l’optimisme. Nous verrons dans ce roman ce que dénonce Voltaire et quelles propositions sont faites pour améliorer le sort de l’homme et de la société. Nous étudierons d’abord les différentes critiques, puis nous analyserons les propositions.

 

                 Voltaire fait de nombreuses attaques dans Candide.

            Il ridiculise tout d’abord les mœurs nobles dans le premier chapitre. Les personnages grotesques sont présentés comme des caricatures, des pantins. Le nom  « Thunder-ten-tronckh », à consonance germanique, est synonyme de dureté et de rusticité. Il se moque de l’avarice et des prétentions de la noblesse. Certains manquent de moyens financiers. L’auteur montre leur esprit de caste avec « les soixante et onze quartiers » requis pour faire partie de leur monde. Il critique la pseudo-rigidité des mœurs, ainsi que la morale en montrant leur penchant pour le libertinage.

            Voltaire tourne en dérision l’optimisme de Pangloss. Il s’oppose au philosophe allemand Leibniz et caricature sa pensée en ne retenant qu’une formule : « tout est pour le mieux dans le meilleur  des mondes possibles ». Pangloss est disqualifié à cause de son libertinage, sa conduite et par l’absurdité de son raisonnement.

            De plus, l’auteur fait une critique de la guerre. Il utilise pour cela l’absurde, le burlesque et la parodie épique. Les hommes sont déshumanisés. L’auteur utilise des désignations péjoratives : « coquins », « trente-mille âmes », « tas de morts et de mourants ». L’horreur est associée à une désinvolture qui se marque par le vocabulaire philosophique avec le « meilleur des mondes ». L’horreur de la guerre est présentée de façon détournée. Voltaire dénonce la barbarie des hommes et le scandale du recours à la religion avec les « Te Deum » qui sont des chants de grâce. Dieu est mêlé à barbarie, ce qui est absurde.  Voltaire dénonce aussi l’absurdité de la mise en scène qui décrit la guerre comme  un spectacle avec une accumulation des instruments de musique auxquels sont mêlés les canons : « les trompettes, les fifres, les haut-bois, les tambours ».

 

 

            L’auteur fait aussi une dénonciation ironique de l’arbitraire et du fanatisme. La fausse justification de l’autodafé est faite par des autorités «compétentes» désignées par «les sages du pays», «l’université de Coïmbre » ou encore le pronom indéfini  «on». Des motifs dérisoires nés de l’intolérance désignent les victimes : l’ostracisme du Juif ou pour « avoir épousé sa commère » ou « l’un pour avoir parlé et l’autre pour avoir écouté ». L’auteur pointe l’arbitraire dans l’arrestation sans jugement et la rapidité de la condamnation : « huit jours après ».

            Voltaire fait la satire des Jésuites du Paraguay. C’’est une société qui confond pouvoir religieux et pouvoir politique : « c’est une chose admirable que ce gouvernement », « Los padres y ont tout, et les peuples rien ; c’est le chef-d’œuvre de la raison et de la justice ».

            L’’auteur relativise le mythe du bon sauvage. Lors de la partie des Oreillons, il fait du sauvage une représentation qui relève du cliché : créature menaçante, nudité, zoophilie, cannibalisme… Ainsi, il en fait une créature proche de l’’animal, sans conscience morale, contrairement à Rousseau.

 

 

            Voltaire critique les institutions françaises. Il utilise l’’ironie pour railler l’étiquette de la Cour de France où le roi était intouchable : à travers la question de Cacambo « si on se jetait à genoux ou ventre à terre », mais aussi avec des mots triviaux, « lécher la poussière » qui est une manière de se moquer de la Cour de France assimilée à des singeries. L’outrance des réactions de Candide qui « se jette au cou de sa Majesté » traduit  l’’ébauche d’un roi proche de ses sujets. Il critique aussi les institutions : « prisons », « parlement » et « Église ».

            Il attaque plus généralement la France et sa capitale. La population est désignée par « la moitié des habitants est folle, quelques-unes où l’on est trop rusé, d’autres où l’on est communément assez doux, et assez bête ; d’autres où l’on fait le bel esprit ». On peut voir aussi une critique de la justice française car Martin « fut volé en arrivant de tout ce que j’’avais par des filous […] on me prit moi-même pour un voleur, et je fus huit jours en prison ».

            La société parisienne est aussi visée, et plus particulièrement la société littéraire et celle des spectacles. Si Voltaire parle des spectacles, c’est qu’il débouche logiquement sur l’idée d’une société qui est une société de masques, donc d’hypocrisie. Ainsi, la gaieté de la société parisienne cache les jalousies venimeuses et les pires scélératesses : « on y fait en riant les actions les plus détestables ».

            Enfin, Voltaire dénonce l’esclavage. Il cible le commerce de luxe dans l’onomastique « Vendendendur ». C’est une manière de détourner sur les Hollandais la responsabilité que partagent les Français pour mieux montrer la cruauté et l’absurdité des châtiments, tel que « on nous coupe la main ». Le vocabulaire de la cruauté et de la barbarie se combine à celui de la résignation de l’esclavage.  Cela fait apparaître encore plus révoltant le motif « c’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ». La justification naïve de l’esclavage est faite par les parents. Elle traduit les promesses fallacieuses des missionnaires de faire le bonheur des Noirs. Ils sont assimilés à des recruteurs, tiennent des propos mensongers et n’appliquent pas les règles de la religion. Les missionnaires traitent les Noirs comme des marchandises : «  Ma mère me vendit dix écus patagons ».

 

Commerce triangulaire

 

Dans ce texte, Voltaire fait aussi des propositions pour améliorer le sort de l’’homme et de la société.

 Le pays d’Eldorado est perçu comme un modèle. Le palais des sciences en Eldorado est le rêve des philosophes et permet de mettre en avant les sciences exactes. C’’est un pays où règne la paix civile, il n’y a pas de prison, de parlement ni d’Église, mais la prospérité et le bonheur. La parité dans les fonctions est montrée par les « grands officiers » et les « grandes officières ». L’Eldorado est un modèle urbain grâce à l’hygiène, la voirie et les grands marchés qui favorisent le commerce et l’’industrie.

Les deux communautés proposées à la fin de ce conte sont l’’expression du bonheur chez Voltaire. Elles sont agricoles et champêtres, de petite taille pour celle de Candide et de « vingt arpents » pour celle du Turc. Elles sont agréables car le climat est doux et délectable grâce aux fruits exotiques cultivés et aux pâtisseries. Elles sont aussi utiles car elles permettent de vivre en autosuffisance : pour Candide « la petite terre rapporta beaucoup » et le Turc « se contente d’y envoyer vendre les fruits du jardin cultivé ». Ce sont des communautés d’intérêts et affectives. Le Turc travaille avec ses deux fils et filles, traités de la même manière ce qui montre la parité. Celle de Candide rassemble des compagnons qui exercent chacun leurs talents au profit de tous. Elles sont dirigées toutes les deux par quelqu’un d’expérience qui est accueillant et tolérant. Le vieillard turc a l’esprit d’hospitalité et Candide ne contredit pas Pangloss qui radote. Ces petites communautés ont à la fois des caractéristiques qui ressemblent à l’’Eldorado pour l’esprit pacifique, mais s’en éloignent par la taille réduite et le travail proposé ici comme un remède : la culture, le commerce et l’artisanat.

 

 Château de Ferney-Voltaire (01)

 

Dans Candide, Voltaire fait de nombreuses attaques. Il dénonce ainsi tout au long de ce conte les mœurs nobles, l’optimisme, la guerre, l’arbitraire et le fanatisme, les Jésuites du Paraguay, le mythe du bon sauvage, la France et la vie parisienne, ainsi que l’’esclavage. Pour cela, l’auteur utilise de nombreux procédés tels que l’ironie, le registre satirique, le burlesque, l’’absurde, ainsi que le registre pathétique. Ce conte fait aussi l’’objet de propositions pour améliorer le sort de l’’homme et de la société. Le pays d’Eldorado et les deux communautés, celles de Candide et du Turc, correspondent à cet aspect du conte. La chasse au bonheur et à la liberté, tel est bien le but des Lumières qui passe par la connaissance, la prospérité, le progrès et le travail utile à tous, sans être entravé par des dogmes religieux ou philosophiques : "Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin". C’est un programme pratique pour que le monde soit « passable » comme Voltaire le démontre aussi dans Babouc ou le monde comme il va. Voltaire, à la même époque, met en pratique à Ferney cet idéal, en faisant construire à ses frais deux manufactures, en faisant assécher les marais et en faisant même édifier une église dédiée à Dieu car « si Dieu n’’existait pas, il faudrait l’’inventer ».

 

Emilie 1S4 (janvier 2012)

 

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