SÉRIES TECHNOLOGIQUES
Objet d'étude : écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos
jours.
Textes :
Texte A : Théophile Gautier, Émaux et Camées, « La Bonne
Soirée », 1872.
Texte B : Max Jacob, Le Cornet à dés, Deuxième partie, « Petit poème », 1917.
Texte C : Joë Bousquet, La Connaissance du Soir, « Pensefables et Dansemuses », « A cette ronde d’enfants… », 1947.
Texte D : Vincent Van Gogh, Lettres à son frère Théo, 1873-1890.
Texte B : Max Jacob, Le Cornet à dés, Deuxième partie, « Petit poème », 1917.
Texte C : Joë Bousquet, La Connaissance du Soir, « Pensefables et Dansemuses », « A cette ronde d’enfants… », 1947.
Texte D : Vincent Van Gogh, Lettres à son frère Théo, 1873-1890.
Voir les textes ICI
I
- Après avoir lu attentivement les textes du corpus, vous répondrez aux
questions suivantes de façon organisée et synthétique. (6 points) :
1.
Quel lieu intime est évoqué dans les documents A, B et C ? En quoi cette
évocation est-elle poétique ? (3 points)
1) Les poètes du corpus, Théophile Gautier, Max Jacob et Joë Bousquet, dans leurs poèmes respectifs, La Bonne Soirée, Petit poème et A cette ronde d’enfants, s’inspirent tous d’un lieu familier intime : leur chambre. On verra en quoi ces évocations d’un lieu ordinaire et privé sont poétiques. D’abord, on montrera comment l’imagination transforme ces lieux, puis comment elle les magnifie.
Le recours aux images permet aux
poètes de métamorphoser le réel banal en représentations fantasmées, ludiques
ou symboliques.
Gautier personnifie « la chauffeuse capitonnée » en « maîtresse » qui « vous tend les bras » et
semble dire : « Tu
resteras ». La métaphore sensuelle est filée grâce au « globe laiteux » de la lampe,
comparé à « un sein blanc voilé sous
les guipures » du chapeau en « papier rose à découpures ». La chambre est clairement érotisée
et « caresse » rime avec « maîtresse » !
Jacob retrouvait des lettres de
l’alphabet dans les « passementeries »
des rideaux et « les transformai[t]
en dessins qu’ [il] imaginai[t] ». De même « les boules de pilastre » devenaient « des têtes de pantins ».
Jacob se souvient de sa chambre
d’enfant et de son imagination ludique, alors que Gautier s’exprime au présent
et décrit sa chambre de jeune homme avec ses fantasmes charnels et ses craintes
d’avoir à affronter les femmes aristocrates à l’extérieur !
Quant à Bousquet, il ne mentionne
aucun élément matériel et annonce que sa chambre « Dans
[s]on cœur était enclose ». Il n’apostrophe que « les chansons » et « les
beaux jours », synonymes de bonheur perdu. Mais « cette ronde d’enfants », la courbe des beaux jours
et la chambre enclose dans son cœur renvoient à la circularité, symboles de
protection ou de perfection et à l’enfance. D’ailleurs, le verbe « grandir » associé au mot « chambre » peut montrer qu’un
lieu peut faire progresser, surtout si, pour le poète, il rappelle une
ronde et des chansons, autres formes de la poésie. Donc, pour Bousquet, la
chambre est assimilée au chant et à la danse et à la création poétique. Quand
on sait que, paralysé à l’âge de vingt ans, suite à une blessure de guerre, il
va passer le restant de sa vie cloîtré dans sa chambre, où il deviendra poète
et réunira autour de lui artistes et écrivains, on comprend mieux la relation
entre la chambre, l’enfance et l’écriture poétique !
Ces chambres sont également
magnifiées. Gautier parle du « disque
d’or » de la pendule, voit de la dentelle raffinée dans du papier
découpé et la vie en rose et blanc dans ce giron douillet ! Jacob laisse
vagabonder son imagination sur « la
mousseline des rideaux » et signale « les fleurs ouvertes sculptées légèrement sur le bois ».
La beauté, la douceur, la féminité
sont donc attachées à ces évocations, ainsi qu’une allusion à la forme ronde,
évocatrice de la mère et de la femme. Pour Bousquet, c’est à la chanson et à la
danse que la chambre est associée et aux sentiments dont le cœur est l’emblème.
L’enfance et le jeu sont des thèmes présents chez Jacob et Bousquet. Ces poèmes
aux formes brèves et, pour les poèmes versifiés, comme ceux de Gautier et
Bousquet, aux vers courts (octosyllabes et quadrisyllabes chez Gautier, heptasyllabes
chez Bousquet), « surréalisent » pourtant des lieux ordinaires, les
transforment grâce à l’imagination et en font des lieux de légende personnelle.
C’est l’un des pouvoirs de la poésie d’enchanter le réel.
Chambre à coucher de Van Gogh à Arles, 1888
Musée Van Gogh à Amsterdam
2.
À quelles impressions, agréables ou désagréables, ce lieu est-il, selon vous,
associé dans chacun des quatre documents ? (3 points).
2) Dans ces documents, la chambre
est associée essentiellement à des impressions agréables parfois en contraste
avec un espace extérieur perçu comme hostile. La chambre peut être aussi liée
au temps de l’enfance et du bonheur.
Ce lieu intime est un véritable
cocon protecteur et confortable, propice au repos et même à une forme de
plaisir des sens. Gautier s’exclame : « Qu’il
ferait bon garder la chambre ! », tandis que Van Gogh parle de « repos inébranlable ».
Bousquet et Jacob l’associent au temps de l’enfance avec ses jeux et ses
rondes.
Mais pour deux des artistes, c’est
un lieu de création. Van Gogh en fait un tableau où « seulement la couleur doit ici faire la chose et en donnant par
sa simplification un style plus grand aux choses ». Bousquet donne à
la chambre un pouvoir de transformation et de connaissance de soi : « Possédant ce que je suis Je saurai
sur toutes choses Que la chambre où je grandis dans mon cœur était enclose ».
Les verbes « savoir » au futur simple et « être » au
présent, ainsi que le verbe « grandir » qui peut aussi bien être conjugué
au présent qu’au passé simple, indiquent le rôle de construction de l’être du
poète en rapport avec ce lieu. C’est aussi pour lui un lieu de création
poétique.
Ainsi la chambre préserve du temps
et de l’espace extérieur. Pour Gautier, c’est évident car dehors « il pleut, il neige » et « Il faut sortir ! –quelle corvée ! ».
Pour Bousquet, la chambre est assimilée au temps heureux de l’enfance « Que tant de peine a suivi ».
Van Gogh insiste sur sa fatigue :
« J’ai encore les yeux fatigués »
et aspire à suggérer « du repos ou
du sommeil » en peignant cette chambre où il est de passage. Enfin,
Jacob fait des rideaux une sorte de protection contre l’extérieur, ce qui ne l’empêche
pas de le reconstituer grâce aux lettres qu’il croit deviner : « H, un homme assis ; B, l’arche
d’un pont sur un fleuve ». On voir d’ailleurs que ces deux lettres par
la forme de leur calligraphie servent à relier.
Tous ces artistes font donc l’éloge
d’un lieu intime où ils peuvent donner libre cours à leur imagination et
éprouver du plaisir grâce au calme, au confort, à l’ambiance fortement colorée
ou tendrement pastel du lieu. Ainsi, un lieu banal qui n’était pas un sujet
poétique et artistique avant les temps modernes, peut-être parce que la chambre
n’était pas alors un lieu privé et intime, devient grâce au regard, aux
sentiments et sensations des artistes un lieu exceptionnel qui favorise l’inspiration.
Céline Roumégoux
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