SÉRIES TECHNOLOGIQUES
Objet d'étude : écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos
jours.
Textes :
Texte A : Théophile Gautier, Émaux et Camées, « La Bonne
Soirée », 1872.
Texte B : Max Jacob, Le Cornet à dés, Deuxième partie, « Petit poème », 1917.
Texte C : Joë Bousquet, La Connaissance du Soir, « Pensefables et Dansemuses », « A cette ronde d’enfants… », 1947.
Texte D : Vincent Van Gogh, Lettres à son frère Théo, 1873-1890.
Texte B : Max Jacob, Le Cornet à dés, Deuxième partie, « Petit poème », 1917.
Texte C : Joë Bousquet, La Connaissance du Soir, « Pensefables et Dansemuses », « A cette ronde d’enfants… », 1947.
Texte D : Vincent Van Gogh, Lettres à son frère Théo, 1873-1890.
Commentaire :
Vous commenterez le texte A (Théophile Gautier) en vous aidant du parcours de lecture suivant :
- l’opposition des lieux décrits (éléments et personnages du décor, sensations et scènes évoquées)
- le recours à l’humour et à l’imagination poétique pour suggérer « La Bonne Soirée ».
Vous commenterez le texte A (Théophile Gautier) en vous aidant du parcours de lecture suivant :
- l’opposition des lieux décrits (éléments et personnages du décor, sensations et scènes évoquées)
- le recours à l’humour et à l’imagination poétique pour suggérer « La Bonne Soirée ».
Voir le texte ICI
« Une chambre qui ressemble à
une rêverie, une chambre véritablement spirituelle, où l’atmosphère stagnante
est légèrement teintée de rose et de bleu » ainsi commence le poème de Charles Baudelaire intitulé La chambre double (1869) in Petits poèmes en prose. Théophile Gautier, « Le
poète impeccable », à qui Baudelaire dédie Les Fleurs du mal a peut-être inspiré directement celui qui se
présente comme son disciple avec son poème La
Bonne Soirée du recueil Emaux et
Camées dont l’édition définitive, après plusieurs parutions, date de 1872.
Gautier, dans ce poème léger et délicat nous fait pénétrer dans son intimité et
sa chambre à coucher aux tons pastel, comme celle de Baudelaire. On verra
comment l’éloge de la chambre s’oppose au monde extérieur et on dégagera la
critique humoristique des obligations mondaines.
I) L’éloge de la chambre
A) Un lieu chaleureux, confortable et
sensuel
-
La chaleur est évoquée à plusieurs reprises pour caractériser l’atmosphère du
lieu : « devant son feu […] la
chauffeuse […] angle de la cheminée […] au feu placés ».
-
La douceur est suggérée par les couleurs pastel du « papier rose » du chapeau de lampe, le blanc du « globe laiteux » ou l’or du
disque du pendule. « La chauffeuse
capitonnée » assure le confort
du corps. On remarque que le lit, pourtant essentiel dans une chambre, n’est
jamais évoqué, comme si la chambre était plus un lieu de vie tranquille que de
sommeil.
- La sensualité et même l’érotisme sont fortement sollicités
grâce à la catachrèse (les bras du fauteuil) qui conduit à la
personnification : « La
chauffeuse capitonnée vous tend les bras ». Cette chauffeuse parlante
est comparée à une maîtresse possessive qui retient par ses charmes, connotés
par « le globe laiteux » de
la lampe, et qui ordonne au poète : « Tu
resteras ! ». La fluidité du rythme des trois sizains (2e, 3e et 4e)
consacrés à la description de la chambre, comprenant chacun une seule phrase en
enjambement, contribue à installer une ambiance douce et calme. Les vers
quadrisyllabiques en 3e et 6e position de la strophe
provoquent un léger déséquilibre par rapport aux octosyllabes, ce qui n’est pas
sans mimer « le pendule qui
balance ».
B) Un lieu protecteur et paisible
-
L’évocation de la chambre est enchâssée au cœur du poème, comme dans un cocon
protecteur. Le premier et dernier sizain du poème sont, eux, consacrés au monde
extérieur, perçu comme hostile et dérangeant.
-
Le désir de demeurer bien au chaud dans ce nid ou ce giron sensuel est exprimé
par « Qu’il ferait bon garder la
chambre » et « il faut
sortir ! – quelle corvée ! ». L’ordre suggéré par la
chauffeuse renforce ce souhait : «
Tu resteras ! ».
- Enfin, le vocabulaire du silence
et du repos fait de ce lieu un havre de paix : « On n’entend rien dans le silence » et « Tout endormi ».
La chambre est ressentie comme une « maîtresse » qui rime « avec caresse » et qui prodigue chaleur, douceur et
protection. Pourquoi, alors, la quitter ? Quelles sont donc ces
obligations impliquées par « Il faut
sortir ! » et ce regret marqué par le conditionnel « Qu’il ferait bon garder la
chambre » ?
d'après J. Béraud (1889)
II) La critique humoristique du monde extérieur
A)
Le monde extérieur froid et agité
- Dans la première et dernière
strophe du poème, qui concernent le dehors, le rythme est heurté et les phrases
courtes et fortement ponctuées : «
Quel temps de chien ! – il pleut, il neige »
et « Il faut sortir ! - quelle
corvée ! ». Les sonorités sont également expressives avec
des allitérations en [k] en [t] et [p] qui sont des occlusives qui font
entendre dureté et fracas. Le ton est familier pourtant comme si le poète était
indulgent.
- Le lexique des intempéries vient
renforcer cette hostilité du monde extérieur avec la pluie, la neige et « les cochers transis sur leur siège »
ou « le vent qui pleure et rôde ».
La seule couleur est la couleur froide du « nez
bleu » des cochers, détail pittoresque et amusant !
- Les modalisations de l’auteur
sont négatives : « ce vilain
soir de décembre » et vont de pair avec ses exclamations agacées. Pourtant,
là encore, pas de rejet total puisque, lui semble-t-il, « Il faut sortir ! ».
B)
La satire discrète et malicieuse des mondanités sociales
- La présence du poète est discrète.
Seuls les adjectifs possessifs (« mon
habit, mon gilet ») montrent qu’il s’agit bien de lui. Il
utilise plus souvent des tournures d’énonciation impersonnelles (« il faut, il ferait bon »)
ou des « on » et des « vous » de généralisation :
« Et semble […] vous dire »
ou « On n’entend rien ».
Ce procédé favorise l’identification du lecteur avec ce personnage amoureux de
sa chambre !
- L’humour se glisse dans la
description de sa tenue vestimentaire prête à être mise et qui semble dotée de
vie : « Mon habit noir […] les
bras ballants » ou « Mon
gilet bâille ». Si le poète hésite à sortir, ses habits, eux, semblent
s’ennuyer à l’attendre. Ils sont pourtant dévalorisés par certaines de leurs
caractéristiques : « Les
brodequins à pointe étroite » ne semblent guère confortables et les « minces cravates » paraissent
bien mesquines ! Quant aux « gants
glacés » qui « s’allongent
comme des mains plates », ils sont plutôt inquiétants et déshumanisés !
- Mais là où apparaît vraiment la
satire sociale de ce « bal à l’ambassade
anglaise » où le poète doit se rendre, c’est lorsqu’il est question de
« prendre la file à l’arrivée Et
suivre au pas Les coupés des beautés altières portant blasons sur leurs
portières et leurs appas ». La métonymie « des beautés altières » au lieu de « femmes nobles »
tend à les dévaloriser en tant que personnes. L’expression ambiguë « portant blasons sur leurs portières et leurs
appas » prêtent à confusion. Faut-il associer « blasons » et « appas » en un zeugma
ironique, ce qui signifierait que « les
beautés altières » se penchent à la portière où sont dessinés leurs
blasons pour faire admirer leurs charmes et montrer leur illustre origine
? Faut-il plutôt considérer que « appas »
est complément d’objet de « suivre
au pas » ? Comme « appas »
rime avec « pas » et que le
froid d’un soir de décembre n’est pas favorable pour pavoiser à découvert, la
deuxième hypothèse semble préférable ! En tout cas, le poète montre son
agacement, si ce n’est son humiliation, à devoir attendre derrière les « coupés » aristocratiques, et
leurs belles tentatrices !
Finalement, il n’ira pas ! Comme le poème est tronqué,
on ne le saura pas … Gautier, dans ce charmant poème, tout de légèreté et de
fantaisie, fait l’éloge de sa chambre et de ses charmes au moins aussi
ensorcelants que ceux des belles du bal anglais. On assiste à un véritable tableau
vivant et animé qui rend la chambre décrite, attirante et drôle. « La
bonne soirée » du titre est donc bien celle que le poète va finalement
passer seul au coin du feu à lire et à méditer un mot d’amour qu’il fera porter
à celle à qui il a « posé un lapin » au bal, avec des violettes de Parme
pour se faire pardonner et organiser un nouveau rendez-vous plus intime, sans
doute … Drôle d’homme, tout de même qui préfère sa chambre à sa bien aimée !
Voir le poème intégral ICI
Pour le corrigé du commentaire des 1S et ES : portrait de madame Tim in Un roi sans divertissement de Giono voir ICI
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Pour le corrigé du commentaire des 1S et ES : portrait de madame Tim in Un roi sans divertissement de Giono voir ICI
Céline Roumégoux
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