QUESTION
TRANSVERSALE
sur les
personnages de romans
confrontés à la mort
Excipit des romans
Excipit des romans
Du
XVIIe siècle au XXe, les personnages clefs des romans ont traversé les
époques et les courants littéraires. A travers ces types universels, ils ont
tous un point en commun, que ce soit dans Les Lettres Persanes (1721) de
Montesquieu avec Roxane, Delphine et Léonce dans le roman Delphine (1802)
de Mme de Staël, Meursault dans l’Etranger (1942) de Camus, et enfin
Langlois dans Un roi sans divertissement (1948) de Giono. On verra comment
les personnages conçoivent la vie, la mort, l’amour et le sens de leur
existence. Nous verrons en premier lieu l’impact des actes des personnages
ainsi que leur comportement face à leurs sentiments et face à la mort à
laquelle ils sont confrontés et enfin nous aborderons leur propre vision de
l’existence.
I.
Des
personnages opposés mais liés les uns aux autres par leurs actes
A. Des femmes qui se battent pour imposer leurs idées
Tout d’abord, les Lettres Persanes
de Montesquieu et Delphine de Mme de Staël, ont des points communs. Roxane
est en réalité une rebelle ainsi qu’une femme qui prône les idées de liberté.
En effet, elle apparaît comme le porte-parole en avant-garde du féminisme
militant : « ce langage sans doute te paraît nouveau ».
Montesquieu, auteur masculin prend ici la défense des femmes à travers son
roman épistolaire. Ici, Roxane n’hésite pas à exposer ses idées, et à affirmer
la grandeur de sa résistance grâce à « son courage ». Roxane
revendique le droit d’aimer et le droit au plaisir : « j’ai su
faire de ton affreux sérail un lieu de délices et de plaisirs » ou encore
« j’ai réformé tes lois selon celle de la nature ». Elle dénonce la
tyrannie masculine sous son ton polémique. C’est une femme criminelle qui
expose sa vengeance : « je viens d’envoyer devant moi ces gardiens
sacrilèges ». Roxane par ces actes, revendique sa révolte et son
émancipation. En parallèle, Delphine est une héroïne romantique. Elle est
présentée comme une femme qui se meurt d’amour. Elle possède un caractère
exceptionnel, traduit par son éloquence avec « ses douces paroles ».
Elle s’apparente à une sainte avec « sa nature sensible et fière ».
Elle envoûte et subjugue car « sa figuré était si ravissante ». Mme
de Staël met en scène le personnage de Delphine pour grandir la figure féminine
qui n’obtient pas assez d’importance à l’époque de la Révolution et défend en
parallèle les idées des Lumières. Le roman Delphine fait partie d’une
longue série de topos traditionnel de couples maudits comme Tristan et Yseult
ainsi que Roméo et Juliette.
B. La banalité des hommes
Albert Camus et Giono nous présentent, tous deux, des hommes qui mènent une existence machinale. En effet, Meursault
et Langlois sont des anti-héros. Meursault, lors de son procès nous montre son
ennui : « la plaidoirie m’a très vite lassé ». Meursault subit
les circonstances de son existence et se dédouble au point d’être spectateur de
son propre procès : la cour agit « sans mon intervention »,
« en dehors de moi ». Il se contente de faire des commentaires. Son
incompréhension est totale et récurrente : « je ne comprenais
pas ». Il utilise essentiellement ses facultés intellectuelles :
l’observation, l’analyse et la critique. Langlois est aussi sinistre que
Meursault. Lui aussi est un personnage qui s’ennuie. C’est un homme au
comportement étrange. Il apparaît comme autoritaire et mutique avec
Anselmine : « va-t’en », « tiens la voilà ». C’est un
homme cruel qui est fasciné par le sang : « il regardait à ses pieds
le sang de l’oie ». Langlois est soumis à la routine, et à l’ennui du
quotidien. De son côté Léonce, l’amant de Delphine, est différent de ces deux
hommes. C’est un personnage exemplaire qui fait preuve de grande dignité et
d’un grand courage face à sa mort prochaine. Sa vaillance se manifeste lorsqu'il s’adresse aux soldats : « visez-moi au cœur »,
« indiquez-moi ». Léonce n’a pas peur d’affronter la mort :
« vous ne banderez pas les yeux ».
II.
Le
comportement des personnages face à leurs sentiments et face à la mort
A.
Se
donner la mort par amour
Chez Montesquieu et Mme de Staël, l’amour est
responsable de la mort des personnages. Montesquieu opte pour une série de
lettres parues dans le courant des Lumières, avec l’empreinte du genre
épistolaire qui s’apparente à un discours théâtral, avec une progression
dramatique. En effet, l’annonce de la mort imminente de Roxane est évoquée dès
le début de la lettre : « je vais mourir… le poison coule dans mes
veines ». Le motif donné pour expliquer ce suicide est la mort « du
seul homme qui me retenait à la vie ». Nous assistons à la mort de Roxane
avec une succession de parataxes qui s’achèvent sur « je me meurs ».
Cette mort provoque la pitié et la terreur chez le lecteur, mais elle est aussi
semblable à la mort de Delphine. C’est donc le registre tragique qui est ici
exploité. Mme de Staël nous présente Delphine comme un roman empreint
d’une atmosphère tragique et d’un fatalisme. L’amour entre Delphine et Léonce
est impossible : « la fatalité empêcha notre mariage ». Delphine
n’accorde plus aucune importance à la vie car pour elle : « le
bonheur est impossible ». Cela nous montre la perspective du suicide de
Delphine qui en en proie au mal-être. Celle-ci évoque sa mort paraissant comme
nécessaire. Elle préfère mourir plutôt que de vivre à l’époque de la
Révolution. Sa mort est perçue comme une mort salvatrice. Sa réprobation est
évoquée par « dans quel temps nous étions appelé à vivre ». On remarque
également un long cheminement vers la mort : « la longue et la
fatigue de la route ». La mort de Delphine est un véritable coup de
théâtre : « elle était tombée », « elle a pris le poison
(…) elle va mourir ».
B.
Se
faire condamner et se suicider
Chez Camus et Giono, ce ne sont pas les sentiments
amoureux qui sont évoqués. Meursault est dénué de tous sentiments humains. Le
plus accablant lors de son procès est l’insensibilité que celui-ci manifeste à la
mort de sa mère. C’est l’immoralité de Meursault qui le condamne plus que son
acte meurtrier. Dans l’excipit d’Un roi sans divertissement, le but de
l’auteur est de présenter le destin tragique d’un homme solitaire. Il se
produit un retournement de situation avec le suicide de Langlois qui est en
réalité une auto-exécution car le personnage s’est aperçu de ses tendances
meurtrières et de son goût pour le sang.
Le plaisir de tuer est pour lui « un divertissement ».
Langlois découvre la dimension de sa propre cruauté. Il est confronté à sa
conscience et prend la décision de supprimer en lui la pulsion qui lui apparaît
comme le seul divertissement possible.
C.
Une
fin héroïque
Le
suicide de Langlois est valorisé par son geste royal par lequel celui-ci agit
sur son destin. « Le cigare »
transformé en « cartouche de dynamite » apparaît comme un symbole de
liberté souveraine face à la mort. L’élargissement métaphysique de Pascal
valorise sa mort comme un soulagement ainsi qu’une libération : « la
tête de Langlois prenait, enfin les dimensions de l’univers ». De même
pour Roxane qui fait de sa mort une sorte de libération et d’insoumission à
l’égard des infidélités d’Usbek. Léonce, lui aussi, va mourir de façon
chevaleresque « point hâté par l’effroi de la
mort ». Delphine se suicidera dans le but d’éviter de souffrir et parce qu'elle ne se considère pas adaptée à ce bas monde.
Meursault sera exécuté à la suite de son procès mais il se réconciliera avec "la tendre indifférence du monde" avant cela.
On
conçoit donc que les personnages des romans doivent être exemplaires afin
d’illustrer et de transmettre des valeurs humaines. Roxane dans sa lettre mêle
la colère, la révolte, la vengeance et la revendication de sa liberté d’agir et
de penser. Delphine et Léonce caractérisent le thème de l’amour interdit et de
l’exaltation des sentiments humains. Ce sont des héros qui montrent l’exemple.
Tandis que Meursault, lui, subit les caractéristiques de l’homme absurde
responsable du choix de ses actes, propre à l’existentialisme. Pour finir,
Langlois est un personnage mystérieux qui choisit de s’auto-exécuter en
banalisant le mal qui est en lui. On retrouve ces anti-héros qui servent à la
critique des mœurs. Finalement, le personnage est une vision de l’homme qui, selon
qu’il est soumis à son destin ou en est l’acteur, est le reflet des conceptions
de son auteur et de sa vision du monde. On retrouve aujourd’hui au cinéma, des
super-héros comme Batman, Spiderman… qui sont prêts à sacrifier leur vie dans
le but de sauver le monde.
Margot
(1S1)
mai 2013
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