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samedi 13 juin 2020

Le Lys dans la vallée de Balzac (1835) La mort de madame de Mortsauf


La mort de madame de Mortsauf

" Ce n’était plus ma délicieuse Henriette, ni la sublime et sainte madame de Mortsauf ; mais le quelque chose sans nom de Bossuet qui se débattait contre le néant, et que la faim, les désirs trompés poussaient au combat égoïste de la vie contre la mort. Je vins m’asseoir près d’elle en lui prenant pour la baiser sa main que je sentis brûlante et desséchée. Elle devina ma douloureuse surprise dans l’effort même que je fis pour la déguiser. Ses lèvres décolorées se tendirent alors sur ses dents affamées pour essayer un de ces sourires forcés sous lesquels nous cachons également l’ironie de la vengeance, l’attente du plaisir, l’ivresse de l’âme et la rage d’une déception.
— Ah ! c’est la mort, mon pauvre Félix, me dit-elle, et vous n’aimez pas la mort ! la mort odieuse, la mort de laquelle toute créature, même l’amant le plus intrépide, a horreur. Ici finit l’amour : je le savais bien. Lady Dudley ne vous verra jamais étonné de son changement. Ah ! pourquoi vous ai-je tant souhaité, Félix ? vous êtes enfin venu : je vous récompense de ce dévouement par l’horrible spectacle qui fit jadis du comte de Rancé un trappiste, moi qui désirais demeurer belle et grande dans votre souvenir, y vivre comme un lys éternel, je vous enlève vos illusions. Le véritable amour ne calcule rien. Mais ne vous enfuyez pas, restez. Monsieur Origet m’a trouvée beaucoup mieux ce matin, je vais revenir à la vie, je renaîtrai sous vos regards. Puis, quand j’aurai recouvré quelques forces, quand je commencerai à pouvoir prendre quelque nourriture, je redeviendrai belle. A peine ai-je trente-cinq ans, je puis encore avoir de belles années. Le bonheur rajeunit, et je veux connaître le bonheur. J’ai fait des projets délicieux, nous les laisserons à Clochegourde et nous irons ensemble en Italie.
Des pleurs humectèrent mes yeux, je me tournai vers la fenêtre comme pour regarder les fleurs ; l’abbé Birotteau vint à moi précipitamment, et se pencha vers le bouquet : — Pas de larmes ! me dit-il à l’oreille.
— Henriette, vous n’aimez donc plus notre chère vallée ? lui répondis-je afin de justifier mon brusque mouvement.
— Si, dit-elle en apportant son front sous mes lèvres par un mouvement de câlinerie ; mais, sans vous, elle m’est funeste … sans toi, reprit-elle en effleurant mon oreille de ses lèvres chaudes pour y jeter ces deux syllabes comme deux soupirs. "



Ce roman épistolaire ne comprend que trois lettres. D’abord le long récit que Félix de Vandenesse fait de son amour platonique pour madame de Mortsauf à Nathalie de Manerville, ensuite une lettre de Madame de Mortsauf jointe à celle de Félix et, enfin, la courte réponse que fait Nathalie à ce courrier. Le passage de notre étude se situe à la fin de la lettre de Félix dans lequel il raconte l’agonie de Madame de Mortsauf. Dans ce roman qui paraît en pleine période romantique, Balzac reprend le thème de Volupté de Sainte-Beuve tout en rendant hommage à Laure de Berny, la « dilecta » de sa jeunesse. L’action se situe dans sa Touraine natale qui sert de cadre privilégié à l’amour idéaliste et platonique qu’il dépeint ici.
Le passage se présente selon trois mouvements que nous étudierons successivement et linéairement : un anti-portrait, le discours d’Henriette et le conflit entre sensibilité et société. 

I) Un anti-portrait
On verra comment la révolte de la sensualité de Madame de Mortsauf à l’agonie déclenche paradoxalement le dégoût de Félix dans la description qu’il en fait.

1) Le dégoût se marque par un présentatif associé à la négation « ne … plus » montrant l’irrémédiable : « Ce n’était plus ma délicieuse Henriette ». Les adjectifs et les désignations s’opposent. L’adjectif valorisant « délicieuse », qui connote la sensualité, est associé à « Henriette », qui marque l’intimité soulignée par le possessif « ma ». Quant aux adjectifs « sublime » et « sainte » qui appartiennent au lexique de la religion, associés à « Madame de Mortsauf », désignation officielle et sociale, ils sont en complète opposition avec « délicieuse ». Les deux faces contradictoires de Madame de Mortsauf n’existent même plus aux yeux de Félix.

2) L’effet péjoratif est renforcé par l’expression « le quelque chose sans nom de Bossuet ». Madame de Mortsauf perd son humanité, devient « quelque chose ». L’allusion à Bossuet se fait par association d’idées avec le prénom Henriette puisque ce dernier a écrit et prononcé l’oraison funèbre d’Henriette d’ Angleterre. La distance se creuse entre les personnages : le culturel l’emporte sur le naturel et le sentimental.

3) Le recul de Félix se manifeste par une généralisation réflexive à propos du constat qu’il fait sur l’agonie de Madame de Mortsauf : « combat égoïste de la vie contre la mort ». L’adjectif évaluatif « égoïste », le vocabulaire abstrait (« vie, mort, néant ») opposé au concret (« faim »  N.B. : Henriette meurt de faim car elle ne peut plus s’alimenter à cause vraisemblablement d’un cancer de l’estomac) montrent que, pour Félix, Henriette devient une représentation réaliste de la mort. Ni l’attirance de naguère, ni le respect ne résistent à la répulsion que la mort lui inspire.

4) Malgré la tentative de rapprochement physique : « Je vins m’asseoir près d’elle », le contact lui répugne. Le vocabulaire de la maladie (« brûlante, desséchée, décolorée ») est majoritaire par rapport au lexique galant (le baisemain). L’hypallage « ses dents affamées » ne laisse pas d’être inquiétant. Ne dirait-on pas que les dents veulent dévorer ?

5) Les relations entre les deux personnages sont désormais factices. Le vocabulaire de l’artifice appliqué aussi bien à l’un qu’à l’autre montre que l’amour est mort : « déguiser, essayer, sourire forcé, nous cachons ». Chacun d’eux veut sauver les apparences, en vain.

6) Enfin, la valeur généralisante du pronom « nous » et l’énumération des masques du sourire par des formules abstraites « l’ironie de la vengeance, l’attente du plaisir, l’ivresse de l’âme et la rage d’une déception » sont les preuves du détachement de Félix. Les allitérations en [s] et en [r], des sifflantes et des vibrantes, accentuent l’effet péjoratif.

La révolte de la sensualité chez la chaste Mme de Mortsauf (l’onomastique est parlante : mort sauf, on comprend exempte de péché) est, semble-t-il, trop tardive ; la mort a déjà commencé son œuvre et Félix ne retrouve plus celle qu’il avait parée de toutes les perfections, son lys dans la vallée. C’est donc bien un anti-portrait qui est fait ici. Le réalisme de Balzac ressemble à de la cruauté !



 Saché où Balzac écrivit Le Lys dans la vallée


 II) Le discours d’Henriette
 Nous verrons comment un discours de déploration fataliste se transforme en supplication sentimentale.

1) Les paroles d’Henriette sont pleines de lyrisme fataliste du fait :
- de la reprise anaphorique du mot « mort » (4fois)
- du présentatif théâtral « c’est la mort » précédé de l’interjection « Ah ! ».
- de la désignation « mon pauvre Félix » où le possessif associé à l’adjectif « pauvre » marque une résignation qui prend l’autre à témoin d’une manière sentimentale.

2) La lucidité d’Henriette transparaît derrière les masques du rythme et des propos généraux :
 - Dans le paragraphe précédent « Elle devina » la « douloureuse surprise » de Félix lorsqu’il découvrit son apparence. La surprise est un terme euphémique pour dire son recul et son dégoût. A présent, elle dévoile les vraies raisons du comportement du jeune homme : « vous n’aimez pas la mort ». Les généralités pour qualifier la mort « la mort odieuse » et pour excuser l’attitude de Félix « la mort de laquelle toute créature, même l’amant le plus intrépide a horreur » ne parviennent pas à cacher sa rancœur, prélude aux reproches qui vont suivre.
- Le rythme dramatique des deux phrases (Ah ! c’est la mort, mon pauvre Félix, me dit-elle, et vous n’aimez pas la mort ! la mort odieuse, la mort de laquelle toute créature, même l’amant le plus intrépide, a horreur. Ici finit l’amour.) confirme cette intention : après une phrase de type segmenté où la reprise du mot « mort » est quasi psalmodique et où les membres ont un rythme croissant, une phrase courte ayant la forme d’un constat brutal « Ici finit l’amour » vient clore ce lamento sentimental et pathétique.

3) Le discours devient alors imploration mêlée de reproches :
- L’emploi du pronom « je » recentre le propos sur le dépit amoureux qu’éprouve Henriette qui nomme sa rivale : « je le savais bien. Lady Dudley ne vous verra jamais étonné de son changement ». La projection dans le futur et l’utilisation de l’adverbe « jamais » tendent à exclure définitivement Henriette de l’horizon amoureux de Félix.
- La modalité interrogative « Ah ! pourquoi vous ai-je tant souhaité, Félix ? » prend la forme d’un reproche, souligné par l’intensif « tant » qui traduit la force de son attachement à un ingrat.
- Consciente de l’effet désastreux que peuvent provoquer ses ressentiments, elle corrige ses plaintes en acte de contrition : « je vous récompense de ce dévouement par l’horrible spectacle … moi qui désirais demeurer belle et grande dans votre souvenir … je vous enlève vos illusions ». Le vocabulaire utilisé est très significatif (« spectacle, belle, illusions »), c’est celui de l’apparence, comme si l’amour qui les unissait n’était en réalité fondé que sur des faux-semblants. L’allusion culturelle « qui fit du comte de Rancé un trappiste » fait écho à la citation de Bossuet faite par Félix. Tous deux ont des natures cérébrales et la métaphore du lys « y vivre comme un lys éternel » semble être le seul repère poétique et idéaliste qui leur reste. Henriette comprend que leur relation reposait sur un mythe romantique.
- La phrase suivante confirme en effet ce malentendu par l’emploi de l’adjectif « véritable » dans « le véritable amour ne calcule rien ». Cette affirmation énoncée à la façon d’une vérité générale reflète l’amertume éprouvée par la mourante.

4) Survient alors le sursaut sensuel et sentimental d’Henriette.
- La conjonction adversative « Mais » devant « ne vous enfuyez pas, restez  » marque ce revirement dans le discours.
 - Les deux impératifs « ne vous enfuyez pas, restez » complétés par tout un champ lexical de l’espérance : « m’a trouvée mieux, je vais revenir à la vie, je renaîtrai sous vos regards … quand j’aurai recouvré quelques forces … je recommencerai … je redeviendrai belle » expriment une ultime tentative pour renouer avec les illusions d’antan. Les futurs renforcent cet espoir fou.
- Suit un véritable plaidoyer pour la vie : « A peine ai-je trente-cinq ans, je puis encore avoir de belles années. Le bonheur rajeunit, et je veux connaître le bonheur. » L’argument utilisé, l’âge, est peu crédible : au XIXe siècle, les femmes étaient considérées comme vieilles dès la trentaine atteinte (voir La Femme de trente ans de Balzac). De plus, cette réflexion souligne la différence d’âge entre les deux amants. Comme pour rectifier cette bévue, elle use de l’argument de la jouvence procurée par l’amour.
- Enfin, elle franchit les barrières de la bienséance en dévoilant un projet romanesque : «J’ai fait des projets délicieux, nous les laisserons à Clochegourde et nous irons ensemble en Italie. » L’Italie et ses connotations romantiques s’opposent fortement à Clochegourde et à ce que ce nom évoque de médiocrité. Le pronom « les » désignant mari et enfants est en contradiction avec le « nous » des amants. Henriette laisse de côté sa respectabilité coutumière, comme désinhibée à l’approche de la mort ou jouant son va-tout.

Dans cette scène, Balzac laisse entendre « les imprécations de la chair trompée, de la nature physique blessée » selon les termes qu’il utilise lui-même pour répondre à ses détracteurs qui trouvaient que Mme de Mortsauf manquait ici de dignité. Lyrisme, récrimination, supplication et rêve impossible : voilà les composantes du discours d’Henriette qui révèle sa vraie nature ardente. Pendant ce temps, Félix se tait …


III)  Société contre sensibilité

Examinons en quoi, dans la reprise de la narration, l’intervention d’un tiers aide Félix à sortir d’une situation embarrassante.

1) La réaction émotive qui se traduit par des larmes « des pleurs humectèrent mes yeux » est peu convaincante. « Les pleurs » en position sujet enlève toute initiative à Félix et le verbe « humecter » montre une réaction physiologique minimale : la force de son chagrin aurait été mieux rendue avec des verbes plus excessifs comme « inonder » ou « noyer ». On dirait au mieux que Félix retient son émotion, au pire qu’il se force à faire couler quelques larmes …

2) Le geste d’esquive « je me tournai vers la fenêtre comme pour regarder les fleurs » paraît bien superflu et le prétexte des fleurs ne fait pas illusion. Le goût des deux amants de cœur pour les fleurs les avait rapprochés, ici les fleurs servent à faire diversion.

3) Le prêtre utilise d’ailleurs le même stratagème pour communiquer avec Félix « l’abbé Birotteau vint à moi précipitamment, et se pencha sur le bouquet ». La comédie sociale est plus importante que la pitié ou la tendresse. Le martèlement provoqué par les allitérations en [b, t, p, k] résonne comme un rappel à l’ordre moral et social. L’injonction « Pas de larmes » vient à point pour faire diversion.

4) Le dialogue qui suit révèle le décalage qui s’est désormais installé entre les deux amants : Félix enchaîne avec le précédent propos d’Henriette sur l’Italie, feignant de ne pas avoir compris et la ramène à sa vallée ou à ses devoirs : « vous n’aimez donc plus notre chère vallée ? » ; Henriette répond en amoureuse, jetant le dernier masque : « sans vous, elle m’est funeste … sans toi, reprit-elle en effleurant mon oreille de ses lèvres chaudes pour y jeter ces deux syllabes comme deux soupirs. » Le passage au tutoiement dans la confidence chuchotée comme une dernière caresse est éloquent. Henriette enfin se livre, mais il est trop tard.

Dans ce dernier passage, l’idéalisme romantique, la morale bourgeoise et la sensualité se mêlent, ce qui provoque un malaise. Le prêtre joue le rôle de chaperon bien dérisoire quand on observe le détachement de Félix. Mme de Mortsauf fidèle au symbolisme de son patronyme et de son premier prénom (Blanche) n’aura d’autre choix que de mourir sauvée par la religion et la morale. L’ironie du sort sera que l’inspiratrice et amante de Balzac, Laure de Berny, lira ce roman peu de temps avant sa propre mort !


Laure de Berny par  Henri Nicolas van Gorp

Voici un plan de commentaire où tous les éléments de l’analyse précédente peuvent être repris :

1) Un mythe romantique

A) Les retrouvailles pathétiques
- Vocabulaire de l’attente et de l’amour
- Le duo inaugural : le cadre, les circonstances émouvantes

B) Les symboles
- Images polysémiques du lys
- Recours aux allusions littéraires

C) Le projet fou
- L’Italie et ses connotations romantiques
- L’interdit qui sépare les amants

2) Le réalisme cruel

A) La maladie
- Lexique explicite du corps malade et mourant
- Le jeu des temps : hier, aujourd’hui, demain

B) La lucidité de la malade
- Etude de la composition du discours d’Henriette
- Le rythme significatif des phrases

C) Le détachement de Félix
- Décalage entre les actes et les pensées
- Le dégoût qu’il éprouve et qui n’échappe pas à Henriette

3) Une comédie sociale

A) La présence d’un tiers : l’abbé
- L’interdiction de l’émotion et de l’aveu d’amour
- Une complicité ambiguë avec Félix

B) L’art du déguisement
- Vocabulaire de la feinte
- Cultiver le malentendu ou entretenir des illusions ?

C) Un récit rapporté à une autre femme courtisée (Nathalie de Manerville)
- Les marques de l’accompli
- Une intimité violée

 Château de Vonnes (Clochegourde dans le roman)



Balzac à vingt ans




Tous droits réservés

samedi 23 mai 2020

METHODE DU COMMENTAIRE LITTERAIRE

METHODE DU COMMENTAIRE LITTERAIRE




TRAVAIL PRÉALABLE : QUE FAIRE DEVANT UN TEXTE ?

1)      Lire trois fois le texte afin d’en avoir une vue globale et de se familiariser avec lui. La première étape du commentaire est la compréhension littérale du texte.

2)      En reprenant le texte de façon linéaire, écrire au brouillon toutes les remarques qui viennent à l’esprit.

3)      Se poser les questions suivantes :

-      Quel sujet ? Quel aspect du sujet ?

-          Quel est le genre ? (poésie, théâtre, roman, essai) Quel sous-genre ? (sonnet, comédie, tragédie…)

-          Quel contexte ? (siècle, auteur, contexte historique, mouvement culturel…)

-       Quelle forme de discours ? (discours argumentatif, descriptif, narratif, explicatif…)

-          Quel registre ? (tous les registres se terminent par « ique » : comique, tragique, fantastique, polémique, pathétique, épique, lyrique).

-          Quel plan du texte ? (on peut généralement « découper » un texte en deux, trois ou quatre parties, par exemple : le début du texte est un dialogue, le reste est un récit. Ou les quatre premières lignes mettent en scène tel personnage, les huit suivantes évoquent le passé de ce personnage et les trente dernières parlent d’un autre personnage). Ce découpage permet de voir les grands mouvements du texte et sa progression.

-          Pour le récit : où en sommes-nous dans l’histoire ? Quels temps ? Quels lieux ? Combien de personnages ? Quelle relation entretiennent-ils ? Y a-t-il un jugement du narrateur sur les personnages ? Le récit est-il à la première ou à la troisième personne ? A quelle étape du schéma narratif en sommes-nous ? Quelle focalisation ? Quel niveau de langue ? Quel rythme ? Quels sont les thèmes principaux ?
    
 Pour une description, repérer sa fonction : informative, esthétique et poétique, symbolique, dramatique, évaluative, etc.


-          Pour le théâtre : où en sommes-nous dans la pièce ? Qui sont les personnages ? Quels sont leurs rapports ? Est-ce un monologue ou un dialogue ? Qui parle le plus ? Peut-on en déduire quelque chose sur les relations de pouvoir entre les personnages ? Quel est le rôle des didascalies ?
La particularité d’un commentaire composé sur un extrait de théâtre est qu’il faut absolument prendre en compte la dimension spectaculaire de l’œuvre (que voit et qu’entend le spectateur ? Jeux de voix, jeux de scène, position des personnages dans l’espace, rôle des objets, de la lumière…). La pièce de théâtre n’est pas seulement un texte : il faut imaginer la mise en scène !

-          Pour la poésie : est-ce un poème en vers ou en prose ? Quel type de rimes ou de strophes ? Quels thèmes principaux ? Ya-t-il un refrain ? Y a-t-il des jeux sur les sonorités (allitération, assonance) ? Quelles sont les figures de style et quel effet créent-elles ?

-     Pour l’argumentation : Quelle est la thèse défendue ? Avec quels types d’arguments ? Quel est le mode de raisonnement ? Quel registre ?

4)      Faire émerger une problématique. Une problématique doit répondre aux trois questions suivantes : quoi ? pourquoi ? comment ?

-          Quoi : son thème principal (les sentiments, la société, les vices …) et l’angle ou aspect choisi par l’auteur pour le traiter (la passion amoureuse ou l’amour déçu, le pouvoir ou l’anarchie, la jalousie ou la bonté …)

-          Pourquoi : quelles sont les intentions de l’auteur ? Quel est son but ? Quel effet veut-il créer sur le lecteur ? (dénoncer, faire réfléchir, émouvoir, créer le trouble, s’amuser avec le lecteur…)

-          Comment : la forme du texte (un récit réaliste, une lettre, un monologue de théâtre, une description…).Quel est le moyen mis en œuvre pour arriver au but ? Cela peut être le recours à un registre particulier, le jeu avec les codes littéraires, l’ironie…

Exemple de problématique (pour un extrait de la lettre CXLI des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos) : On verra comment une lettre (comment) de rupture amoureuse (quoi) peut devenir un véritable instrument de manipulation et de destruction (pourquoi).

C'est la marquise de Merteuil qui a fait ce modèle de lettre pour que Valmont l'envoie à Madame de Tourvel qu'il a séduite par jeu cynique, en complicité avec la marquise : c'est très pervers !

"On s'ennuie de tout, mon Ange, c'est une Loi de la Nature ; ce n'est pas
ma faute.
"Si donc je m'ennuie aujourd'hui d'une aventure qui m'a occupé
entièrement depuis quatre mortels mois, ce n'est pas ma faute.
"Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est
sûrement beaucoup dire, il n'est pas étonnant que l'un ait fini en même
temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute.
"Il suit de là que depuis quelque temps je t'ai trompée : mais aussi, ton
impitoyable tendresse m'y forçait en quelque sorte ! Ce n'est pas ma faute.
"Aujourd'hui, une femme que j'aime éperdument exige que je te sacrifie.
Ce n'est pas ma faute.
"Je sens bien que voilà une belle occasion de crier au parjure : mais si la
Nature n'a accordé aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait
aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute.
"Crois-moi, choisis un autre Amant, comme j'ai fait une autre Maîtresse.
Ce conseil est bon, très bon ; si tu le trouves mauvais, ce n'est pas ma
faute.
"Adieu, mon Ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je te
reviendrai peut-être. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute."
Du Château de... ce 24 novembre 17**

5)      Regrouper les idées en deux ou trois grandes parties de sorte que les titres de parties soient une réponse à la problématique. Attention, dans un plan de commentaire, il faut toujours aller du plus évident au moins évident, de ce qui saute aux yeux à ce qui est plus subtil.

A partir de ces grands titres, classer toutes les réflexions et analyses en sous-parties cohérentes.

Exemple de plan pour la problématique ci-dessus :

I)   Une manipulation brillante

A)    Par le brouillage des identités
B)    Par un exercice d’esprit cynique

II)    Un instrument de destruction

A)    Par une démonstration par l’absurde ou la logique de la mauvaise foi
B)    Par le jeu cruel et libertin sur les sentiments





COMMENCER LA REDACTION selon la progression suivante : plan, développement, conclusion.

L’introduction : Elle peut faire environ 15 lignes en un seul paragraphe :

-          L’entrée en matière : il s’agit d’amener le sujet en faisant quelques phrases sur l’auteur, ou sur l’œuvre dont il est question, ou sur le contexte ou sur le thème abordé…Il faut impérativement que cette entrée en matière ait un rapport direct avec l’extrait qui nous intéresse (pas de récitation de biographie inutile !). Vous pouvez également partir d’une citation (d’un critique ou d’un auteur) pour introduire le texte…

-          La présentation du texte : titre, auteur, genre, forme de discours, thèmes.

-          Une brève présentation de l’extrait (situation dans l’oeuvre, personnages, action …)

-          La problématique (la problématique peut être une question mais pas forcément, vous pouvez l’annoncer en commençant par « nous verrons comment / nous verrons en quoi »)

-          L’annonce du plan (seulement les grandes parties).

-          Un saut de 1 ligne pour bien marquer la fin de l’introduction.

Le développement :

-          Vous sautez une ligne entre chaque grande partie. Vous revenez simplement à la ligne pour chaque sous-partie. Chaque paragraphe commence par un alinéa (retrait de deux carreaux par rapport à la marge).

-          Chaque grande partie est composée de 2 ou 3 sous-parties.

-          Une sous-partie peut comporter plusieurs paragraphes

-          Un paragraphe correspond à une idée : pas de paragraphe « fourre-tout », pas non plus de paragraphe qui reprend exactement la même idée que le précédent ; il faut qu’il y ait une cohérence interne pour chaque sous-partie et une progression logique (c’est une démonstration) entre chaque sous-partie et entre chaque partie. D’où l’importance au brouillon de faire un plan détaillé avec des titres et des sous-titres précis. Un paragraphe comprend au minimum cinq lignes et au maximum 15.

-          Il est nécessaire de bien introduire les citations du texte en les englobant dans une phrase et en mettant des guillemets. Il faut commenter, c’est-à-dire expliquer, et non paraphraser (ce qui serait répéter autrement et plus mal) les citations qui sont des preuves par le texte. De même, il ne s’agit pas de faire un catalogue des procédés d’écriture ou de seulement mettre des étiquettes (il y a une métaphore ou un zeugma) mais d’expliquer en quoi la forme éclaire le fond.

-          A la fin de chaque grande partie, faire une conclusion partielle (en une phrase) sur ce qui vient d’être montré et faire une phrase de transition qui amène la partie suivante. Cela permet au lecteur de bien vous suivre.

-          Pour être clair, vous devez poser une thèse (une interprétation du texte), apporter des arguments (explications, raisonnements) à partir de preuves : étude des procédés d’écriture significatifs sélectionnés et citations courtes et judicieuses du texte, bien introduites dans une de vos phrases, et commentées.
           
La conclusion se compose de plusieurs éléments :

-          un résumé bilan de votre démonstration

-          une réponse précise à la problématique (reprenez pour cela les termes que vous avez utilisés dans l’introduction pour la problématique).

-          Il est possible d’ « ouvrir » la réflexion en faisant par exemple un parallèle entre ce texte et un autre que vous connaissez (soit tiré de la même œuvre soit d’une autre œuvre ayant un rapport avec celle-ci).

-          La conclusion fait environ 15 lignes. Comme l’introduction, c’est une partie mais aussi un seul paragraphe ! 

Relisez avec le plus grand soin votre copie en traquant les erreurs d’orthographe. Vérifiez les accords des verbes avec leurs sujets, des adjectifs avec les noms. Ne vous trompez pas dans la conjugaison. Ne confondez pas les temps. Enfin, appliquez-vous dans votre écriture et présentez une copie nette, sans rature, surcharge et gribouillage. Ecrivez à l’encre bleue ou noire et soulignez les titres des œuvres à la règle et à l’encre (pas en rouge, réservé au correcteur).

Bon courage !

Et consultez les commentaires sur ce blog pour voir la méthode en pratique.

Céline Roumégoux

jeudi 16 avril 2020

L'Art d'être grand-père, Victor Hugo (1877)




L'Art d'être grand-père est la dernière œuvre de Victor Hugo, c'est un recueil composé de 27 poèmes entièrement dédiés à Jeanne et Georges, ses petits enfants, publiés en 1877.

GEORGES ET JEANNE

"Moi qu'un petit enfant rend tout à fait stupide,
J'en ai deux ; George et Jeanne ; et je prends l'un pour guide
Et l'autre pour lumière, et j'accours à leur voix,
Vu que George a deux ans et que Jeanne a dix mois.
Leurs essais d'exister sont divinement gauches ;
On croit, dans leur parole où tremblent des ébauches,
Voir un reste de ciel qui se dissipe et fuit ;
Et moi qui suis le soir, et moi qui suis la nuit,
Moi dont le destin pâle et froid se décolore,
J'ai l'attendrissement de dire: Ils sont l'aurore.
Leur dialogue obscur m'ouvre des horizons ;
Ils s'entendent entr'eux, se donnent leurs raisons.
Jugez comme cela disperse mes pensées.
En moi, désirs, projets, les choses insensées,
Les choses sages, tout, à leur tendre lueur,
Tombe, et je ne suis plus qu'un bonhomme rêveur.
Je ne sens plus la trouble et secrète secousse
Du mal qui nous attire et du sort qui nous pousse.
Les enfants chancelants sont nos meilleurs appuis.
Je les regarde, et puis je les écoute, et puis
Je suis bon, et mon cœur s'apaise en leur présence ;
J'accepte les conseils sacrés de l'innocence,
Je fus toute ma vie ainsi ; je n'ai jamais
Rien connu, dans les deuils comme sur les sommets,
De plus doux que l'oubli qui nous envahit l'âme
Devant les êtres purs d'où monte une humble flamme;
Je contemple, en nos temps souvent noirs et ternis,
Ce point du jour qui sort des berceaux et des nids."



Et voici encore quelques vers picorés
 dans L'Art d'être grand-père :

"Jeanne qui dans les yeux a le myosotis,
Et qui, pour saisir l'ombre entr'ouvrant ses doigts frêles,
N'a presque pas de bras ayant encor des ailes,
Jeanne harangue, avec des chants où flotte un mot,
Georges beau comme un dieu qui serait un marmot.
Ce n'est pas la parole, ô ciel bleu, c'est le verbe ;
C'est la langue infinie, innocente et superbe
Que soupirent les vents, les forêts et les flots."


Encore un peu d'enchantement : 

"Mademoiselle Jeanne a quinze mois, et George
En a trente ; il la garde; il est l'homme complet ;
Des filles comme ça font son bonheur; il est
Dans l'admiration de ces jolis doigts roses,
Leur compare, en disant toutes sortes de choses,
Ses grosses mains à lui qui vont avoir trois ans,
Et rit ; il montre Jeanne en route aux paysans.
Ah dame ! il marche, lui ; cette mioche se traîne ;
Et Jeanne rit de voir Georges rire; une reine
Sur un trône, c'est là Jeanne dans son panier;
Elle est belle ; et le chêne en parle au marronnier,
Et l'orme la salue et la montre à l'érable,
Tant sous le ciel profond l'enfance est vénérable.
George a le sentiment de sa grandeur ; il rit
Mais il protège, et Jeanne a foi dans son esprit ;
Georges surveille avec un air assez farouche
Cette enfant qui parfois met un doigt dans sa bouche ;
Les sentiers sont confus et nous nous embrouillons.
Comme tout le bois sombre est plein de papillons,
Courons, dit Georges. Il veut descendre. Jeanne est gaie.
Avec eux je chancelle, avec eux je bégaie.
Oh ! l'adorable joie, et comme ils sont charmants ! "



Combien sont à plaindre les petits-enfants

 à qui on refuse ce lien essentiel avec leurs grands-parents !



"L'ingrat cherche des torts à son bienfaiteur, 
et double les siens."
Citation de Pierre-Claude-Victor Boiste ; 

Le dictionnaire universel (1800) 

"Au-delà du silence, il y a la solitude, entre l'abandon et la trahison."
Citation de Henry de Montherlant ; Les notes de théâtre (1943)

jeudi 9 janvier 2020

La Passante du clair de lune




La Passante du clair de lune et autres nouvelles, Amazon, 2020




            Le recueil  La Passante du clair de lune et autres nouvelles, paru en janvier 2020 pour la première fois chez Amazon, rassemble 34 nouvelles et scènes dialoguées. Les textes sont courts et variés dans les registres et dans la forme.
            De la Toscane à l’Inde en passant par l’Auvergne, le Lyonnais ou des contrées fantastiques, des personnages réels ou imaginaires y vivent des aventures surprenantes, mélancoliques ou amusantes.
            Voltaire vient faire une conversation post-mortem qui résonne avec l’actualité. Des jeunes débattent en classe sur un poème de Rimbaud. On y croise des drôles de bêtes, comme Marguerite, la vache salers ou Gaspard, le grillon du foyer. Des couples d’amoureux du Moyen Âge et d’aujourd’hui y vivent des moments magiques. Le dérèglement climatique, les nuisances modernes, mais aussi des sujets plus philosophiques comme le sens de la vie ou le bonheur y sont évoqués à travers des apologues et des utopies cocasses. 
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