"Gagner la première manche, la deuxième manche et enfin jouer la
belle" : que signifient donc ces expressions qu'on emploie dans les jeux
et même à la pétanque ? Aux tournois du Moyen Âge, ou plutôt aux joutes
qui succèdent aux tournois violents et auxquelles participent les
chevaliers de l'époque, les femmes y occupent une place importante
puisque les chevaliers arborent les couleurs d’une dame sous la forme
d’une manche délacée de sa robe.
Celui qui combat bravement emporte la 2e manche.
A la victoire d'après, il gagne la gente dame (la belle) qui le récompense d’un baiser.
Gagner le cœur de la dame après les exploits du combat, c'est bien, mais "c'est une autre paire de manches" quand le volage chevalier porte son amour sur une autre conquête !
Dans La Princesse de Clèves, roman
d'analyse de Madame de La Fayette, publié sans nom d'auteur en 1678, on
assiste à la fin de la troisième partie à la joute célèbre lors de
laquelle le roi Henri II fut mortellement touché. Mais ce qui intéresse
tout le monde, ce sont les couleurs mystérieuses qu'arbore le duc de
Nemours. Seule la belle princesse de Clèves comprend le code secret des
couleurs portées en son hommage... Lisons l'extrait en question :
"Enfin, le jour du tournoi arriva. Les reines se rendirent dans les galeries et sur les échafauds qui leur avaient été destinés. Les quatre tenants parurent au bout de la lice, avec une quantité de chevaux et de livrées qui faisaient le plus magnifique spectacle qui eût jamais paru en France.
Le roi n’avait
point d’autres couleurs que le blanc et le noir, qu’il portait toujours à
cause de madame de Valentinois, qui était veuve. M. de Ferrare, et
toute sa suite, avaient du jaune et du rouge. M. de Guise parut avec de
l’incarnat et du blanc : on ne savait d’abord par quelle raison il avait
ces couleurs, mais on se souvint que c’étaient celles d’une belle
personne qu’il avait aimée pendant qu’elle était fille, et qu’il aimait
encore, quoiqu’il n’osât plus le lui faire paraître. M. de Nemours avait
du jaune et du noir ; on en chercha inutilement la raison. Madame de
Clèves n’eut pas de peine à la deviner : elle se souvint d’avoir dit
devant lui qu’elle aimait le jaune, et qu’elle était fâchée d’être
blonde, parce qu’elle n’en pouvait mettre. Ce prince crut pouvoir
paraître avec cette couleur, sans indiscrétion, puisque, madame de
Clèves n’en mettant point, on ne pouvait soupçonner que ce fût la
sienne."
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