Qui
ne connaît pas la Cathédrale Saint-Lazare à Autun ? Le roman de M.
Morot-Gaudry nous fait revivre avec délice la création des sculptures du tympan
de la cathédrale d'Autun à l'aube du XIIe siècle. C'est l'époque des chanoines
commanditaires qui pressent leurs ouvriers et maîtres maçons, tailleurs de
pierres pour que l’œuvre soit achevée à temps. Juin 1131, le sculpteur
Gislebertus commence à tailler dans la pierre la représentation d'Eve. A qui
ressemblera-t-elle ? Deux visages de femmes occupent son esprit :
celui de la Comtesse Ombeline, une jeune noble mariée au Seigneur des
Grelodots, Bérenger, qui rentre de croisade. Mais celui de Mélisende, jeune
coloriste qui a remplacé son père sur le chantier à la mort de ce dernier, l'obsède aussi.
Quels traits vont jaillir sous le ciseau du sculpteur et donner vie à la pierre
pour l'éternité ? De qui s'inspirera Gislebertus pour sculpter
Adam ? Il ne faut pas commettre de
maladresses, ne pas mécontenter les religieux, ne point heurter leur
sensibilité.
Le passage d'Abélard à Autun, son
séjour de trois jours va orienter l'inspiration du sculpteur vers une création
audacieuse inattendue tout autant que géniale. Roman ancré dans une époque
médiévale où nous revivons avec curiosité la vie de cette cité épiscopale avec
ses complots entre chanoines. Roman qui nous entraîne dans l'univers des
tailleurs de pierres, des maçons, des coloristes, du menu peuple qui travaille
sur le chantier de la cathédrale. Roman chrétien qui fait revivre l'édification
de ces grandes églises réservées aux pèlerinages, mais aussi roman teinté de
paganisme quand il nous entraîne dans les pas de Mélisende, dans les forêts de
l'Autunois, là où elle semble s'adonner à des rites séculaires.
Superbe roman de la tentation :
Gislebertus est attiré par la Comtesse Ombeline mais il n'est pas insensible au
charme naissant de la jeune Mélisende qui déploie sa grâce et son talent pour
séduire le sculpteur, veuf depuis quelques années.
Le roman se double d'une intrigue
qu'il faut résoudre au plus vite dans la cité d'Autun. Qui fait circuler de la
fausse monnaie d'argent, frappée au sceau de l'Archevêque ? Qui est
responsable de la mort du bedeau de la cathédrale, le soir de l'arrivée
d'Abélard dans la cité d'Autun ?
Qui a dérobé l'argenterie de l'église et dans quel but ? L'intrigue
policière est discrètement menée car il ne faut pas éveiller les soupçons dans
la ville si l'on veut arrêter les coupables.
Une écriture précise, un lexique d'une justesse appropriée à chaque geste des ouvriers, qu'ils soient
maçons, tailleurs de pierres ou coloristes, tout prend vie sous la plume de M.
Morot-Gaudry. Le chantier s'anime, retentit des coups de marteau, de burin, du
ciseau du maître-sculpteur. On vit au rythme du chantier trépidant, de ses
révoltes sourdes finement bridées par certains hauts dignitaires de l'église.
On pénètre dans les querelles et animosités des puissants pour asseoir leur
mainmise sur le pouvoir de cette partie du Duché de Bourgogne. Une plongée dans
l'histoire de ce monde médiéval du XIIe siècle
que l'on ne regrette pas une seconde et que l'on quitte avec une pointe
de nostalgie.
Josseline
G.G. (écrit le 5/10/2014)