Dans l’ombre se tient une femme
Elissa qui fut la compagne de Saint-Augustin, l’auteur des Confessions. Jeune
femme qui partagera sa vie pendant quinze ans à Carthage, Thagaste, en Italie à
Milan où le jeune orateur va la rejeter définitivement de sa vie. Partageant sa
foi manichéenne, elle lui donne très tôt un fils Adeodatus (celui qui est donné
par Dieu). Mais lorsqu’ils partent tous trois à Milan pour le travail
d’Augustinus, plusieurs mois plus tard, en avril 385, arrive sa belle-mère
Monica accompagnée de son deuxième fils. L’emprise catholique de la mère d’Augustinus
se resserre et les jours d’Elissa sont comptés. Début mars 385, Augustinus lui
annonce qu’il doit se marier, faire alliance avec une famille honorable,
fortunée. La compagne depuis l’âge de dix-sept ans doit s’effacer, s’éloigner,
disparaître. Adeotatus restera avec son père pour son enseignement et sa
formation. C’est une femme doublement brisée qui se réfugie auprès d’une amie
du couple, Paulina. Elle tombe malade de désespoir et doit être soignée dans la
maison de son hôtesse. En septembre, le projet de mariage est rompu, Monica a
réussi à ramener son fils dans le giron de l’église catholique.
Saint Augustin et sa mère sainte Monique (1846), par Ary Scheffer
Octobre
386 , Elissa quitte définitivement Milan pour retourner à Carthage où
l’accueillent sa sœur Faonia et son beau-frère le potier Marcellus. Mais le
destin d’Elissa l’amène à croiser à plusieurs reprises l’évêque d’Hippo-Regius,
Augustinus qui vient prêcher dans sa ville de Carthage, à la basilique
Restituta. Aux accents de sa voix, elle revit ses souvenirs sans jamais
divulguer à ses proches les liens qui l’ont unie à cet homme. Elle devient
l’amie d’un couple dont le mari, Silvanus, paralysé, est l’un des copistes
particuliers des rhéteurs et prédicateurs. Il a copié les fameuses Confessions
du grand orateur chrétien Augustinus. A l’écoute des textes, elle analyse
l’évolution de cet homme dans sa foi, ses contradictions. Elle se sent trahie,
offensée, parfois secrètement réconciliée par un mot, une petite phrase au
détour d’un discours. C’est à travers son souvenir de l’homme aimé, de l’homme
qui fut un amant insatiable, qu’elle traque dans ses discours l’évocation de la
présence féminine à laquelle il renoncera bientôt. Elle s’interrogera également
sur la question de la grâce, accordée ou refusée à l’homme selon le
libre-arbitre de Dieu. Autant de questions qu’elle partageait dans l’ombre du
jeune homme, compagnon d’alors, devenu la lumière d’Occident.
Ce
livre à l’écriture ciselée donne vie aux personnages, restitue l’aura de cet
homme complexe que fut Augustinus. Pas à pas nous avançons dans l’ombre de son
double, nous buvons ses paroles, communions à sa détresse de femme abandonnée,
privée de son fils, répudiée pour permettre au grand homme de prendre son
envol. Mais de cette femme délaissée jaillit la compassion, la fraternité, le
rayonnement auprès de ceux qui l’ont accueillie. Et Dieu, dans son infinie
bonté ne lui aurait-il pas donné la lumière de la grâce après son douloureux
chemin ?
Superbe
livre que ce roman de Claude Pujade- Renaud, à lire avec ferveur.
Voir ICI, le commentaire de l'auteur
Josseline G. G.
(écrit le 26.02.2013)
(écrit le 26.02.2013)