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jeudi 28 mars 2013

Le Désert de la Grâce de Claude Pujade-Renaud : notes de lecture


Le Désert de la Grâce de Claude Pujade-Renaud
éditions Actes Sud. (2007)


            Difficile de résumer ce livre et d’en faire un compte-rendu linéaire tant il est morcelé par les différentes voix qui lui donnent vie. Toute l’histoire évolue autour de l’Abbaye de Port-Royal des Champs, fief de la foi janséniste, réprimée et décimée par Louis XIV. C’est l’histoire de toute une lignée de femmes appartenant à des familles de renom : Arnauld, Le Maistre, Pascal, Racine, ces Messieurs et ces Dames de Port-Royal qui allaient ébranler la foi catholique par leur rigorisme dans la foi. C’est l’histoire de la persécution contre cet ordre jusqu’à son éradication en 1709 par la destruction de Port-Royal des Champs. Et pourtant, malgré la congrégation anéantie, les religieuses dispersées dans d’autres couvents, privées des sacrements si elles ne signaient pas un formulaire de renonciation, tout un réseau de soutien, de sympathie se met en place pour sauver les archives de Port-Royal, les écrits des Grands Maîtres. Et c’est une petite aristocrate, Françoise de Joncoux, surnommée «  L’Invisible » qui orchestre tout cela, travaillant inlassablement à la copie des Lettres entre les membres de la communauté : elle déchiffre et recopie les liasses de documents, de manuscrits du monastère, sauvés avant la destruction de Port-Royal.

            A côté de Mme de Joncoux, on trouve Claude Dodart, médecin à la cour mais fils d’un médecin attaché à l’Abbaye de Port-Royal. Les points de vue se croisent, se complètent, interfèrent. On trouve également celui de Marie- Catherine Racine qui a été novice à Port-Royal, arrachée à l’Abbaye au moment de son démantèlement puis mariée et mère de deux jeunes enfants. Marie- Catherine s’interroge sur son père Jean Racine, ses liens avec Port-Royal, sa rupture avec le monastère puis sa réconciliation avant sa demande d’y être enterré. Autant de questions qu’elle se pose. Elle recherche un manuscrit de son père, introuvable. Néanmoins, elle découvrira dans les correspondances les traces de la liaison de Racine avec l’actrice la Champmeslé, le fait que celle-ci ait attendu un enfant de Racine, ait absorbé une poudre propre à la faire avorter. C’est l’époque de l’Affaire des Poisons dans laquelle sont impliqués plusieurs courtisans. Racine fait profil bas et doit retirer sa fille Marie-Catherine de Port-Royal à la demande de Mme de Maintenon. C’est ce qu’elle découvrira.


            Ce roman au titre évocateur Le Désert de La Grâce  fait revivre à travers les différentes voix qui le traversent l’atmosphère de piété, de sérénité qui entourait ce lieu clos : havre de paix, de prières, d’étude, de communion spirituelle, de fraternité pour ceux et celles qui y étaient admis. Dans ce lieu de la vallée de Chevreuse, si justement nommé Port-Royal des Champs, rayonnait cette indépendance des consciences et des âmes, que le monarque, fût-il le Roi-Soleil, ne pût fléchir. L’œuvre de «  L’Invisible » et de ses aides allait perdurer au-delà du Grand-Siècle.

            L’écriture s’allie à la hauteur du sujet traité. La délicatesse de l’évocation, des mots employés rendent le sujet poignant. On entre dans ce tourment des moniales, on pénètre leurs angoisses d’être arrachées à ce lieu de paix et de prières mais on quitte ce livre avec le sourire de la Grâce.
            Un bel ouvrage en vérité, qui mérite toute votre attention.  Une écriture éblouissante.

                                                                                  Josseline G. G.  (15 /02 / 2013)