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mardi 7 octobre 2014

La tentation d’Eve de Bernard Morot-Gaudry



Qui ne connaît pas la Cathédrale Saint-Lazare à Autun ? Le roman de M. Morot-Gaudry nous fait revivre avec délice la création des sculptures du tympan de la cathédrale d'Autun à l'aube du XIIe siècle. C'est l'époque des chanoines commanditaires qui pressent leurs ouvriers et maîtres maçons, tailleurs de pierres pour que l’œuvre soit achevée à temps. Juin 1131, le sculpteur Gislebertus commence à tailler dans la pierre la représentation d'Eve. A qui ressemblera-t-elle ? Deux visages de femmes occupent son esprit : celui de la Comtesse Ombeline, une jeune noble mariée au Seigneur des Grelodots, Bérenger, qui rentre de croisade. Mais celui de Mélisende, jeune coloriste qui a remplacé son père sur le chantier  à la mort de ce dernier, l'obsède aussi. Quels traits vont jaillir sous le ciseau du sculpteur et donner vie à la pierre pour l'éternité ? De qui s'inspirera Gislebertus pour sculpter Adam ?  Il ne faut pas commettre de maladresses, ne pas mécontenter les religieux, ne point heurter leur sensibilité. 


            Le passage d'Abélard à Autun, son séjour de trois jours va orienter l'inspiration du sculpteur vers une création audacieuse inattendue tout autant que géniale. Roman ancré dans une époque médiévale où nous revivons avec curiosité la vie de cette cité épiscopale avec ses complots entre chanoines. Roman qui nous entraîne dans l'univers des tailleurs de pierres, des maçons, des coloristes, du menu peuple qui travaille sur le chantier de la cathédrale. Roman chrétien qui fait revivre l'édification de ces grandes églises réservées aux pèlerinages, mais aussi roman teinté de paganisme quand il nous entraîne dans les pas de Mélisende, dans les forêts de l'Autunois, là où elle semble s'adonner à des rites séculaires.

            Superbe roman de la tentation : Gislebertus est attiré par la Comtesse Ombeline mais il n'est pas insensible au charme naissant de la jeune Mélisende qui déploie sa grâce et son talent pour séduire le sculpteur, veuf depuis quelques années.

            Le roman se double d'une intrigue qu'il faut résoudre au plus vite dans la cité d'Autun. Qui fait circuler de la fausse monnaie d'argent, frappée au sceau de l'Archevêque ? Qui est responsable de la mort du bedeau de la cathédrale, le soir de l'arrivée d'Abélard dans la cité d'Autun ?  Qui a dérobé l'argenterie de l'église et dans quel but ? L'intrigue policière est discrètement menée car il ne faut pas éveiller les soupçons dans la ville si l'on veut arrêter les coupables.


           
            Une écriture précise, un lexique d'une justesse appropriée à chaque geste des ouvriers, qu'ils soient maçons, tailleurs de pierres ou coloristes, tout prend vie sous la plume de M. Morot-Gaudry. Le chantier s'anime, retentit des coups de marteau, de burin, du ciseau du maître-sculpteur. On vit au rythme du chantier trépidant, de ses révoltes sourdes finement bridées par certains hauts dignitaires de l'église. On pénètre dans les querelles et animosités des puissants pour asseoir leur mainmise sur le pouvoir de cette partie du Duché de Bourgogne. Une plongée dans l'histoire de ce monde médiéval du XIIe siècle  que l'on ne regrette pas une seconde et que l'on quitte avec une pointe de nostalgie.

                                                           Josseline G.G. (écrit le 5/10/2014)