Acte III Scène 4
    
Andromaque,
        Hermione, Cléone, Céphise
 ANDROMAQUE
Où fuyez-vous, Madame ?
N’est-ce pas à vos yeux un spectacle
      assez doux
Que la veuve d’Hector pleurante à vos
      genoux ?
Je ne viens point ici, par de jalouses
      larmes,
Vous envier un cœur qui se rend à vos
      charmes.
Par une main cruelle, hélas ! j’ai vu
      percer
Le seul où mes regards prétendaient
      s’adresser.
Ma flamme par Hector fut jadis
      allumée ;
Avec lui dans la tombe elle s’est
      enfermée.
Mais il me reste un fils. Vous saurez
      quelque jour,
Madame, pour un fils jusqu’où va notre
      amour ;
Mais vous ne saurez pas, du moins je le
      souhaite,
En quel trouble mortel son intérêt nous
      jette,
Lorsque de tant de biens qui pouvaient
      nous flatter,
C’est le seul qui nous reste, et qu’on
      veut nous l’ôter.
Hélas ! lorsque, lassés de dix ans de
      misère,
Les Troyens en courroux menaçaient
      votre mère,
J’ai su de mon Hector lui procurer
      l’appui.
Vous pouvez sur Pyrrhus ce que j’ai pu
      sur lui.
Que craint-on d’un enfant qui survit à
      sa perte ?
Laissez-moi le cacher en quelque île
      déserte ;
Sur les soins de sa mère on peut s’en
      assurer,
Et mon fils avec moi n’apprendra qu’à
      pleurer.
 HERMIONE
Je conçois vos douleurs. Mais un devoir
      austère,
Quand mon père a parlé, m’ordonne de me
      taire.
C’est lui qui de Pyrrhus fait agir le
      courroux.
S’il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut
      mieux que vous ?
Vos yeux assez longtemps ont régné sur
      son âme ;
Faites-le prononcer : j’y souscrirai.
      Madame.
 
    Cette scène est très courte puisqu'elle ne comprend que deux
    répliques. Andromaque supplie Hermione de l'aider à sauver son fils
    menacé par les Grecs mais Hermione refuse d'intervenir auprès de
    Pyrrhus.
  Il faut comparer les discours des deux femmes. Andromaque
      commence à parler (23 vers) et Hermione répond (6 vers), donc
      Andromaque parle presque 4 fois plus qu'Hermione. La brièveté de
      la réponse d'Hermione, associée à son refus d'intervenir est déjà
      une injure, une humiliation et une façon de se venger de celle
      qu'elle considère comme sa rivale.
  Andromaque va  d'abord s'humilier devant Hermione. Puis,
      elle va affirmer qu'elle n'a aimé qu'Hector et n'est pas sa rivale
      (donc elle essaie de la rassurer). 
      
 
    Elle va ensuite faire appel à la future fibre maternelle (et la
    solidarité féminine) d'Hermione pour l'apitoyer sur le sort
    de son fils.
  Elle lui rappelle qu'elle a contribué à sauver Hélène, la mère
      d'Hermione, et lui demande de lui rendre le même service pour son
      fils, elle en appelle à sa reconnaissance.
 Elle lui demande enfin d'intervenir auprès de Pyrrhus pour ne pas
      livrer Astyanax aux Grecs
      
et de l'exiler avec elle sur une île, ainsi Andromaque ne serait
      plus un obstacle à l'amour d'Hermione pour Pyrrhus. Elle
        essaie encore de la rassurer.
  A ce discours, Hermione admet concevoir les douleurs de sa rivale
      (simple concession formelle)  mais oppose son devoir filial : elle
      doit obéir à son père Ménélas et se taire. Puis, de manière
      cynique, elle renvoie Andromaque à Pyrrhus pour demander elle-même
      la grâce de son fils car elle est mieux placée qu'elle pour le
      faire, selon elle.
  Jamais, elle ne répond aux arguments d'Andromaque qu'elle résume
      par les mots "vos douleurs". Elle fait mine au final de s'aligner
      sur la future décision de Pyrrhus. 
 En résumé, Hermione est de mauvaise foi (sa soi-disant
        compréhension des douleurs d'Adromaque et son prétendu devoir
        filial), cynique et ironique : "S’il faut fléchir
        Pyrrhus, qui le peut mieux que vous ?", jalouse : "Vos yeux assez longtemps ont régné sur son âme" et
        hypocrite : "Faites-le prononcer : j’y souscrirai. Madame."