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mardi 2 septembre 2014

Juste une ombre ( 2012) de Karine Giébel





Cette femme écrivain est l'auteur de Terminus Elicius (2004), Les morsures de l'ombre (2007) et Chiens de sang (2008), tous ces romans appartiennent à la catégorie du roman policier.
            Il est des livres qui une fois refermés ne vous quittent plus, s'inscrivent en vous au fond de votre mémoire, de vos sens en éveil tant ils ont éveillé en vous d'émotion, d'angoisse, de malaise, de mal-être. Celui-ci en fait partie. Mais loin de moi l'idée d'une critique, sinon positive. Ce livre vous prend aux tripes, joue avec vos nerfs, vos émotions, votre peur de femme d'être agressée, violée, laissée en sursis pour mieux retomber entre les mains du prédateur qui a choisi sa victime.

            Mais qui est cette victime ? Une jeune femme brillante, haut placée dans une agence de publicité. Elle brigue le poste de direction qui devrait lui revenir selon les promesses du PDG. Mais alors que sa carrière semble promise au succès, au retour d'une soirée, elle est suivie dans la rue par une silhouette, une ombre, vêtue de noir, une capuche sur la tête. Il s'amuse à lui faire peur et disparaît sans la toucher. Et ce sera le lent engrenage d'une présence insidieuse : une personne qui la croise sur son chemin vêtue de la même façon, une sensation d'être suivie en voiture, une évidence même. La nuit dans son appartement, elle se réveille et l'ombre est à son chevet ou s'éclipse doucement laissant des messages sur la glace du lavabo. Elle retrouve son frigo rempli un soir alors qu'elle l'avait laissé vide le matin même. Elle glisse peu à peu dans une peur panique après avoir vainement essayé de porté plainte au commissariat. On la prend pour une dingue, une paranoïaque : elle ne peut rien prouver. Lorsqu'elle se retrouve nue, violée en pleine forêt, on ne constate pas d'ecchymoses sur son corps ou autres indices probants. Chloé Bauchamps ne dort plus, essaie de lutter comme elle peut mais perd ses repères, ses amis, sa fiabilité, sa pugnacité. Elle se fragilise, se craquèle, rompt avec ses amis. Son petit ami Bertrand rompt brutalement : les sautes d'humeur de la jeune femme et ses peurs irraisonnées l'inquiètent, le déstabilisent. 



            Seul un commandant de police, Alexandre Gomez, à peine sorti du deuil de son épouse, accepte de l'écouter. Mais il n'est pas en mission officielle, actuellement en congé forcé pour une bavure policière qui a conduit un de ses jeunes lieutenants de 25 ans à l'hôpital entre la vie et la mort. Seul Gomez croit à la version de Chloé car elle ressemble à une histoire similaire arrivée quelques années plus tôt à une autre jeune femme Laura Paoli. Il décide d'enquêter pour mettre au jour les points communs entre les deux jeunes femmes et comprendre les motivations du harceleur. Qu'est devenue Laura ? Elle s'est suicidée après avoir passé pour folle auprès de ses employeurs et de ses proches. Même technique, même moyen pour fragiliser une personne.

            Qui donc est cet inconnu qui s'insinue dans la vie de Chloé, la drogue à son insu, la regarde dormir, la prive aussi de sommeil ? Que veut-il ? Simplement la dominer, la faire basculer dans la folie, la tuer ? L'aime-t-il ? Gomez parviendra-t-il à aider Chloé à se soustraire aux griffes de son prédateur ?

            Jamais un livre n'aura ménagé un tel suspense, de tels rebondissements. On vibre à la détresse de cette femme que l'on aimerait voir sauvée mais ... Il faut lire ce roman policier tout en demi-teinte car il mêle plusieurs histoires psychologiques. La recherche du meurtrier est un aspect du livre mais l'approche de la psychologie des personnages dans leur quête de réconciliation avec eux-mêmes ou de reconstruction de soi est un autre aspect passionnant. Au-delà de l'intrigue policière, il y a la lutte de cette jeune femme pour conserver son intégrité physique, pour ne pas céder à la panique de l'angoisse, de menaces qui planent sur sa vie.

            L'écriture est agréable, facile, des phrases relativement courtes qui conviennent à l'accélération de la tension de certains passages du roman. La tension s'instille dans nos veines comme dans celles de notre héroïne. Du grand art en vérité.

                                                           (écrit le 5/06/2013) Josseline G.G.